SIDI BEL ABBES
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Recueil de textes
PELE MELE DE TEXTES TROUVES SUR LE NET CONCERNANT LE TELAGH
Mes remerciements a tous les auteurs, en particulier Monsieur Bouhaffs Feddal pour tout son travail de recherche sur notre village natal.
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Texte par le Colonel Robert Dutriez, officier de renseignements en Algérie.
(A la tribune de « Présent », Présent NÝ4821 du 11 mai 2001)
transmis par Laurent Belkacem (VR) le 28-05-2001qui précise :
Pour illustrer une vieille discussion, et comme ce texte reprend tout de même quelques thèmes d’actualité, voici un petit article récupéré de Présent d’il y a une quinzaine (avant de me faire incendier, ma position est la suivante : oui, la république n’est pas la France, oui, dans l’ordre, je préfère le pavillon d’azur aux trois lys, celui à champ d’hermine, le Kroaz Du, et enfin les couleurs avec le Sacré-Coeur. Mais, bon, j’ai quand même une certaine sympathie pour les couleurs quand elles représentent vraiment la France).
« UN HARKI, UN DRAPEAU
L’action va se dérouler à la fin du mois de juillet 1962. Dans cette Algérie qui, depuis quelques semaines, n’est plus français. Précisons mieux dans le cadre : un terrain caillouteux et poussiéreux jouxtant la petite ville oranaise dénommée Le Telagh. Là, les nouvelles autorités avaient précipitamment installé un camp de concentration. Faut-il décrire ce genre de décor si fréquent en notre monde moderne ? De nombreuses tentes bien alignées, un entourage de barbelés qu flanquent quatre miradors, au centre un grand poteau en haut duquel claque au vent le drapeau de l’Etat propriétaire de ces lieux. Cette fois les couleurs étaient le vert et le blanc que frappaient, en leur milieu, un croissant et une étoile rouges.
Dans notre description gardons-nous d’omettre les prisonniers : une centaine d’habitants de la ville et du bled environnant. A savoir un groupe de notables ou de fonctionnaires locaux, une poignée de commerçants, quelques rares réfractaires à la perception de « l’impôt révolutionnaire » et, surtout, des harkis. Ces derniers, contrairement aux autres détenus, ne semblaient pas trop abattus. Étonnamment ils s’estimaient même assez chanceux. En effet on ne les avaient point encore égorgés…
Or, parmi nos frères d’armes capturés se trouvaient un certain Merzougi Yahia ben Abdelkader. Il avait été sergent au commando du secteur du Telagh. Brave, particulièrement actif, il reçut – récompense rarissime pour un harki – la prestigieuse médaille militaire. Certes, maintenant, il s’efforçait de jouer les insignifiants. Mais comment le FLN aurait-il pu l’oublier ? Aussi Merzougi préparait-il fébrilement son évasion. L’audacieux projet commençait à prendre corps, grâce à une complicité extérieure et au laisser-aller dont les gardiens du camp faisaient souvent preuve. Restait à choisir le moment le plus propice. Il survint un soir où les geôliers fêtaient, avec une ardeur excessive et prolongée, on ne sait quel évènement. Méchoui, chants, danses et en cachette, évidemment, sacrilège dégustation d’un vin 13 degrés découvert chez un colon français. Résultat : aux dernières heures de la nuit, personne dans les miradors. Alors Merzougi franchit les barbelés, rejoint son complice extérieur et miracle ! finit par arriver, via le Maroc, sur le sol de la métropole.
Formidable, direz-vous. Oui. Mais le plus extraordinaire reste à vous conter. Sur le soir, notre héros s’aperçut que la garde avait oublié d’amener le drapeau algérien. Or, inouï et pourtant vrai, un pavillon français, déchiré et souillé, traînait sur un tas d’immondices. S’ensuivit cette scène encore plus belle que la plus merveilleuse des images d’Epinal. Juste avant de s’éclipser l’ancien harki, au garde-à-vous, descendit les couleurs vert et blanc puis fit monter notre cher drapeau bleu-blanc-rouge.
« Honneur et fidélité ». La devise de la Légion étrangère ne suffit-elle pas pour conclure cette surprenante histoire de notre douloureux passé ? »
Juin 1956
La rebellion se déplace dans l’oranais… Une histoire qui se termine bien ‘’ pour une fois ! ‘’
Au cours de l’un d’eux, ils effectuent une attaque spectaculaire: l’incendie du car Télagh-Zegla en direction de Saïda. C’est une zone située à plusieurs dizaines de kilomètres à l’Est de Tedjemout. C’est à notre connaissance le premier attentat sur la population civile sérieux dans la région. Le véhicule de transport en commun assure à jours fixes la liaison commerciale sur la route de Telagh -Saïda qui parcourt une région peu peuplée, souvent boisée. Il part en début d’après-midi. A son bord, un chauffeur européen, aidé par le graisseur, un jeune Musulman qui effectue diverses tâches d’entretien et de contrôle. Les passagers sont tous musulman. Après Zegla, en direction du douar Tefessour, le chauffeur voit un barrage de gens armés qui paraissent être des militaires. Il stoppe. Il se trouve face à face avec plusieurs rebelles, d’autres étant camouflés sur les abords de la route. Ils font descendre les voyageurs, contrôlent leurs identités et fouillent rapidement le véhicule. Ils ordonnent aux Musulmans de s’éloigner et entraînent le chauffeur européen vers la forêt. Leur intention ne fait pas de doute: ils vont le tuer! Dès l’arrêt du car, le jeune Musulman, compagnon de travail du conducteur est intervenu verbalement auprès des assaillants pour leur demander de le ménager. Se rendant compte que, malgré ses efforts, ils veulent l’abattre, il n hésite pas: il se jette à leurs pieds et, en pleurant, les supplie de lui faire grâce. La scène dure plusieurs minutes. Après hésitations, ils finissent par le libérer. Le temps presse. Ils incendient le car et fuient dans la forêt toute proche.
Nous évoquons cette scène pathétique car si nous ne devons pas oublier les atrocités innombrables commises par les Fellaghas, sur des Européens et des Musulmans, nous ne pouvons passer sous silence l’attitude d’un nombre appréciable de Musulmans qui de manière directe ou indirecte, ont permis de sauver la vie de leurs concitoyens européens, tout au long de cette guerre, malgré les risques encourus !
La destruction du car de voyageurs, au delà de Zegla, marque un tournant dans l’évolution de la situation. Les Fellaghas ont, en plein jour, arrêté sur une route importante, un moyen de transport en commun et l’ont détruit. L’action a duré probablement moins dune demi-heure (par chance aucun véhicule n’a transité sur cette route à ce moment là). Elle prouve que des groupes de rebelles sillonnent la région, impunément. Cette succession de fait provoque un changement brutal dans l’ambiance de la région. On passe, en quelques semaines, de la relative tranquillité, où les nouvelles alarmantes étaient données par la radio et les journaux à l’inquiétude pour effectuer le moindre déplacement hors de son village ou de son lieu de travail!
ATTAQUE DU CAR ARNAL
Le 4 juin 1956 un petit convoi de tirailleurs retourne vers Slissen venant de Tedjemount. Au lieu-dit « Akba Beïda » il tombe dans une forte embuscade dressée par de nombreux Fellaghas. La surprise joue. Le bilan est lourd: une vingtaine d’hommes tués ou disparus dont deux officiers et un garde forestier européen qui avait volontairement accompagné le détachement pour effectuer une reconnaissance du terrain. C’est l’embuscade la plus tragique de la région; la seule, en fait, réussie par les rebelles dans ce secteur pendant toute la guerre d’Algérie.
Les doutes sont malheureusement levés. Il y a bien présence de rebelles qui s’infiltrent depuis la chaîne de montagnes des Beni Smiel de la région de Tlemcen-Maroc.
Les conséquences vont, hélas, être graves. L’armée faute d’effectifs suffisants, ne peut maintenir une unité complètement isolée au centre de la plaine de Tedjmout qui est tributaire pour son ravitaillement en eau, de liaisons à plus de vingt km! Elle décide, vers la mi-juin, de retirer la compagnie de Tirailleurs et, conséquence directe, la première SAS qui est implantée en plein djebel dans la maison forestière de Goubirat, à une dizaine de kilomètres de Tedjemout.
On replie donc l’unité militaire et la SAS, mais la population musulmane reste! Cette population, but essentiel de ce genre de guerre, se voit brutalement isolée, en pleine montagne, abandonnée à son triste sort. Les rebelles, eux, sont présents, surtout la nuit. Ils vont immédiatement accentuer leur pression. Ils exigent des recrues, s’appuyant sur une propagande, bien facilitée par ce qui vient de se passer! moins d’une vingtaine d’hommes partent avec les rebelles.
Le 5 juillet (1956) nouvelle manifestation spectaculaire des fellaghas: dans la nuit ils assassinent l’ancien garde champêtre du douar et sa femme, à coups de hache! Ils incendient le chantier de l’école en cours de construction qui était à un stade bien avancé de réalisation (deux classes et un logement d’instituteurs). La population musulmane vit dans une ambiance de crainte perpétuelle, prise entre les exigences des rebelles et les réactions des unités françaises qui effectuent des opérations de jour pour se manifester et tenter d’accrocher les bandes de Fellaghas. Les rebelles effectuent d’autres raids rapides dans la région, venant toujours de leurs bases du Tlemcenois, au cours des semaines suivantes.
Au cours de l’un d’eux, ils effectuent une attaque spectaculaire: l’incendie du car Télagh-Zegla en direction de Saïda. C’est une zone située à plusieurs dizaines de kilomètres à l’Est de Tedjemout. C’est à notre connaissance le premier attentat sur la population civile sérieux dans la région. Le véhicule de transport en commun assure à jours fixes la liaison commerciale sur la route de Telagh -Saïda qui parcourt une région peu peuplée, souvent boisée. Il part en début d’après-midi. A son bord, un chauffeur européen, aidé par le graisseur, un jeune Musulman qui effectue diverses tâches d’entretien et de contrôle. Les passagers sont tous musulman. Après Zegla, en direction du douar Tefessour, le chauffeur voit un barrage de gens armés qui paraissent être des militaires. Il stoppe. Il se trouve face à face avec plusieurs rebelles, d’autres étant camouflés sur les abords de la route. Ils font descendre les voyageurs, contrôlent leurs identités et fouillent rapidement le véhicule. Ils ordonnent aux Musulmans de s’éloigner et entraînent le chauffeur européen vers la forêt. Leur intention ne fait pas de doute: ils vont le tuer! Dès l’arrêt du car, le jeune Musulman, compagnon de travail du conducteur est intervenu verbalement auprès des assaillants pour leur demander de le ménager. Se rendant compte que, malgré ses efforts, ils veulent l’abattre, il n hésite pas: il se jette à leurs pieds et, en pleurant, les supplie de lui faire grâce. La scène dure plusieurs minutes. Après hésitations, ils finissent par le libérer. Le temps presse. Ils incendient le car et fuient dans la forêt toute proche.
Nous évoquons cette scène pathétique car si nous ne devons pas oublier les atrocités innombrables commises par les Fellaghas, sur des Européens et des Musulmans, nous ne pouvons passer sous silence l’attitude d’un nombre appréciable de Musulmans qui de manière directe ou indirecte, ont permis de sauver la vie de leurs concitoyens européens, tout au long de cette guerre, malgré les risques encourus !
La destruction du car de voyageurs, au delà de Zegla, marque un tournant dans l’évolution de la situation. Les Fellaghas ont, en plein jour, arrêté sur une route importante, un moyen de transport en commun et l’ont détruit. L’action a duré probablement moins dune demi-heure (par chance aucun véhicule n’a transité sur cette route à ce moment là). Elle prouve que des groupes de rebelles sillonnent la région, impunément. Cette succession de fait provoque un changement brutal dans l’ambiance de la région. On passe, en quelques semaines, de la relative tranquillité, où les nouvelles alarmantes étaient données par la radio et les journaux à l’inquiétude pour effectuer le moindre déplacement hors de son village ou de son lieu de travail!
D’après Guy Vincent Képi Bleu.
Attaque du car Arnal a Tefessour route de Saida
Le 4 juin 1956
ATTAQUE DU CAR HACHMI
MARS 1957
Partant de la zone alfatière du sud, le « car de Bedeau », comme on l’appelait ici, se rendait deux fois par semaine vers Sidi Bel-Abbes en passant par le col de Bossuet, le Télagh et Tenira.
C’est un spectacle bien original que le voyage de cette vieille carcasse métallique toute brinquebalante et pétaradante, pleine à craquer en dedans, surchargée au-dehors de bagages et de paquets de toutes sortes, arrimés sur le toit.
Depuis déjà deux ans les fellaghas avaient donné l’ordre express de ne plus utiliser cet autocar.
Deux fois, en dix-huit mois, l’autocar avait été pris à parti par les rebelles: en 1955, il avait déjà essayé sans dommages le feu d’une embuscade légère, à hauteur de Mouila. Une seconde fois, en 1956, et malgré la présence d’hommes en armes à titre de protection, il avait sauté sur une mine, perdant une roue sans conséquences graves pour les passagers grâce à l’adresse et au sang-froid du chauffeur musulman. Depuis il ne sait rien passé.
Pour plus de sûreté, on avait décidé de faire accompagner la car par des jeeps avec mitrailleuses, fournies par l’escadron du 9e Hussards stationné au col de Bossuet.
Ce matin de mars 1957, une fébrilité exceptionnelle régnait à bord: le ramadan était proche. Chacun préparait la fête d’ouverture de cette longue période de jeune diurne. Beaucoup de jeunes surtout européennes et musulmanes, étaient montées à Crampel, à Bedeau et à l’arrêt de Bossuet. L’ensemble formait un curieux mélange de robes noires et blanches, et de jupes multicolores déjà printanières.
Après un démarrage aussi tonitruant que poussiéreux, le véhicule reprit la route dans un nuage jaunâtre et nauséabond, mélange de sable, de poussière et de gasoil.
Il était dix heures déjà.
Le moteur toussa quelque peu en amorçant la cote du col de Bossuet. On arrivait à l’endroit ou les deux talus de la route se resserraient, en même temps que les arbres de la foret étaient si proches, de la part et d’autre, que leurs branches semblaient se tendre la main.
Dans le grand virage, après le passage des deux jeeps de tête, une longue rafale de fusil-mitrailleur fit éclater le pneu avant droit, le radiateur et le pare-brise du véhicule. Immédiatement touché à mort, le chauffeur leva un bras, vacilla à gauche, puis à droite, et s’écroula sur le volant.
Sous le feu d’une vingtaine d’armes, l’autocar qui roulait à 40 kilomètres-heure sembla hésiter, tituber au centre du macadam, ralentit, parut vouloir stopper, puis comme ivre il recula, suivant la pente de la route très forte à cet endroit, et percuta brutalement le talus.
Pendant ces quelques secondes, les deux jeeps de queue étaient également attaquées à bout portant, des deux cotés de la route. Les deux chauffeurs, grièvement blessés dès les premières balles, parvinrent à s’abriter dans les fossés.
C’est une pluie de grenades qui s’abattit alors sur l’autocar.
L’assaut avait été donné. Ils étaient plus de cinquante, presque toute la katiba 3.
Par le fossé, quelques voyageurs avaient pu s’enfuir et disparaître dans la foret. La plupart, suffoqués et aveuglés par le début de l’incendie de l’autocar, n’avaient pu rejoindre les portes dont l’une, soufflée, était d’ailleurs inutilisable. D’autres, le ventre et les bras coupés par les carreaux, pendaient lamentablement aux fenêtres étroites et tordues.
Les issues ainsi bloquées, tous ceux qui n’avaient pu se dégager à temps moururent. Trente-deux au total. Seuls une jeune femme arabe et un petit garçon européen purent en réchapper.
Cette héroïque « action de guerre » avait duré… quatre minutes, du premier coup de feu au dernier coup de couteau.
Petit communiqué de presse ridicule, de trois lignes, diffusé par le « Monde »: « Sur une route d’Oranie, un autocar a été attaqué par l’A.L.N.
Trente-deux morts et plusieurs blessés sont à déplorer.
Les unités du secteur se sont lancées à la poursuite de la bande rebelle. L’opération est en cours. »
Source: Bernard Moinet: Ahmed. Connais pas… Le calvaire des Harki
ALBERT CAMUS DÉFEND LES FRANÇAIS D’ALGÉRIE
« Entre la métropole et les Français d’Algérie, le fossé n’a jamais été plus grand. Pour parler d’abord de la métropole, tout se passe comme si le juste procès, fait enfin chez nous à la politique de colonisation, avait été étendu à tous les Français qui vivent là-bas. A lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l’Algérie soit peuplée d’un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. (…)
80% des Français d’Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur à celui des Arabes, est inférieur à celui de la métropole. Deux exemples le montreront. Le SMIG est fixé à un taux nettement plus bas que celui des zones les plus défavorisées de la métropole. De plus, en matière d’avantages sociaux, un père de famille de trois enfants perçoit à peu près 7200 francs contre 19000 en France. Voici les profiteurs de la colonisation. (…)
Les gouvernements successifs de la métropole, appuyés sur la confortable indifférence de la presse et de l’opinion publique, secondés par la complaisance des législateurs, sont les premiers et les vrais responsables du désastre actuel. Ils sont plus coupables en tout cas que ces centaines de milliers de travailleurs français qui se survivent en Algérie avec des salaires de misère, qui, trois fois en trente ans, ont pris les armes pour venir au secours de la métropole et qui se voient récompensés aujourd’hui par le mépris des secourus. Ils sont plus coupables que ces populations juives, coincées depuis des années entre l’antisémitisme français et la méfiance arabe, et réduites aujourd’hui, par l’indifférence de notre opinion, à demander refuge à un autre Etat que le français.
Reconnaissons donc une bonne fois que la faute est ici collective. (…) Une grande, une éclatante réparation doit être faite, selon moi, au peuple arabe. Mais par la France toute entière et non avec le sang des Français d’Algérie. Qu’on le dise hautement, et ceux-ci, je le sais, ne refuseront pas de collaborer, par-dessus leurs préjugés, à la construction d’une Algérie nouvelle. »
Albert Camus, « La bonne conscience », in L’Express, 21 octobre 1955
La victoire militaire en Algérie
« Au printemps 60 il n’y a plus de katibas (1) , le diagramme de la formation d’une armée révolutionnaire a été coupé. Après être passée par un maximum, la courbe des armes et des effectifs groupés diminue très vite. Sauf dans les Aurès, il n’y a plus partout que des embryons de sections, occupés surtout à échapper à nos troupes.
Le quadrillage, trop statique auparavant, a pu se démultiplier et ses éléments dynamiques peuvent faire la course au rebelle avec des unités de plus en plus petites.
Le rebelle n’est plus le roi du djebel; il est traqué. Alors par tout petits groupes, il se réfugie de plus en plus dans le terrorisme. La phase militaire de la rébellion est terminée à l’intérieur de l’Algérie par la défaite du fellagha.
Cependant en Tunisie et au Maroc, les effectifs rebelles se sont groupés et organisés. Mais leurs tentatives sur les barrages se soldent par des échecs.
(…) le G.P.R.A. (2) ne se fait plus aucune illusion sur ses possibilités de victoire militaire et compte maintenant sur son action diplomatique dans le monde, action bien plus vigoureuse que celle de la diplomatie française, désuète et inefficace.
Au fur et à mesure que nos troupes remportent des succès sur la rébellion interne, jusqu’à la faire disparaître presque complètement, notre situation psychologique internationale se dégrade et le gouvernement français multiplie des concessions qui ne satisfont personne. La politique impérialiste des Soviets est évidente. Mais la politique américaine n’en est pas moins agressive à notre égard. Nous assistons à un phénomène ahurissant d’autodestruction de l’Occident par lui-même.
(…) On l’a vu depuis plusieurs années. C’est en partie l’Occident qui a obligé les Hollandais à abandonner les Indes néerlandaises à la dictature, les Belges à se retirer précipitamment du Congo en y laissant le chaos; c’est lui qui se réjouit des difficultés du Portugal en Angola, des Sud-Africains sur leur territoire ou des Français en Algérie et au Sahara.
(…) On allait assister à cette chose inouïe : un gouvernement dont l’armée était victorieuse allait faire cadeau de cette victoire à son adversaire. Cela ne s’était pas produit en France depuis la rétrocession gratuite par Louis IX à l’Angleterre de l’Aunis, du Poitou et de la Saintonge. (…)
Le cadeau fait à un G.P.R.A. qui ne représente qu’une fiction, qui est organisé suivant une structure totalitaire, qui est anti-occidental et antichrétien, dépasse les limites de l’entendement (…). »
1) Equivalent d’une compagnie.
2) Gouvernement provisoire de la République d’Algérie
UN AUTEUR, UN LIVRE: Pierre-Yves Ayache « Mekerra: Contes, légendes et récits – Mémoire d’un enfant d’Algérie »
Pierre-Yves Ayache est né à Tlemcen. Arrivé en 1962 à Orléans (France), il y fait ses études secondaires. Chirurgien-Dentiste à Paris, musicien, peintre, sculpteur membre d’une Confrérie Nationale de Créateurs d’Art du XXIe siècle, ayant exposé à Paris et Moscou. Il publie là son premier ouvrage littéraire « Mekerra: Contes, légendes et récits – Mémoire d’un enfant d’Algérie ». Les Impliqués, 6 sept 2021 – 216 pages
Merci à l’auteur de m’avoir aimablement transmis et autorisé à publier de larges extraits concernant Telagh:
LE MARABOUT DU TELAGH
Au Telagh, petite bourgade esseulée au sud d’Oran et de Sidi Bel Abbès, dormait depuis des siècles, un marabout dont le tombeau était vénéré par les musulmans et très respecté des croyants non musulmans. Comme tous les mausolées d’Algérie, celui-ci était blanc, d’un blanc lilial orné d’un dôme rond surmonté du croissant de l’Islam. De petite hauteur, il me paraissait de taille humaine, je dirais presque enfantine.
Nous passions et habitions assez loin de ce mausolée mais il faisait partie de notre champs paysager. Il m’inspirait la paix. Parfois un individu s’y introduisait mais sans procession ni ostentation.
Il restait dans notre angle de vision malgré sa petite taille, jusqu’au tournant de la rue de la victoire de 1918. Puis il semblait disparaître comme un mirage.
J’en étais toujours impressionné tant il m’évoquait une sorte de magie calme, placide empreinte de sagesse.
Un soir que nous bavardions assis autour de la table, mes parents et moi, nous entendîmes des cris puis une sorte de pétarade juste sous les fenêtres de notre maison.
Ma mère me prit instinctivement dans ses bras voulant ainsi me protéger et me réconforter, mais que pourrait-elle faire contre des guerriers ?
Mon père, grave, semblait paralysé, figé de surprise et d’inquiétude. Cela se passait sous nos fenêtres et nous étions vulnérables, prisonniers, complètement impuissants, inquiets de ce qui allait advenir de nous dans les minutes suivantes.
Soudain nous entendîmes une complainte, longue et envoûtante qui ressemblait aux chants des chamans tibétains. Elle se prolongea pendant plus d’une demi-heure.
La nuit était noire sans lune et mon père prit le risque de regarder à travers les persiennes de sa chambre.
Mais rien. Il ne vit rien. On eut dit une voix de femme écrasée de douleur et de foi, les deux conjuguées. Et les ténèbres lui faisaient résonance au milieu du silence provisoirement rétabli. …
LA BREBIS DU TELAGH
Mon père, jeune commis greffier de la Justice de Paix en 1953 reçut son premier poste au Telagh.
Il avait de très bonnes relations avec le Cadi, responsable juridique des administrés indigènes qui représentait la justice de la République au sein de la population arabe.
Celui du Telagh en imposait autrement que par sa fonction, par sa stature. Cet homme, fils d’un éleveur de chameaux avait vécu toute son enfance de voyage en voyage, avec les grandes caravanes de bédouins qui traversaient du sud au nord, le désert du Sahara. Le soleil et le sable lui avaient asséché la peau qui cachait une musculature encore marquée malgré son âge, et pas un brin de graisse. Le vent avait sculpté son noir visage lui donnant couleur et aspect d’ébène poli des statues et des masques africains. Ses habits et son long turban blancs accentuaient encore cette magnifique allure.
Grand amateur de dattes aux dents bien gâtées, il avait dû souvent recourir à l’arracheur de dents, et s’était reconstitué, signe de son haut statut, une rangée éclatante de dents en or qui ajoutait à la douceur de son sourire.
Musulman fervent, hadj selon la tradition de l’islam, il avait effectué un pèlerinage à la Mecque et s’en trouvait révéré et respecté par les arabes, lui étant bédouin musulman mais non arabe.
La Justice de Paix siégeait dans un bâtiment rez-de chaussée blanc portant fièrement au fronton de sa façade la maxime « Liberté, Égalité, Fraternité », les fenêtres donnaient sur une petite cour sauvage, où poussaient du chèvrefeuille et des bougainvilliers, en son milieu, un saule pleureur faisait timidement un peu d’ombre, comme si la justice devait se rendre au-dessous. …
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L’ÉGLISE SAINT-JEAN-BAPTISTE DU TELAGH
Au début, l’abbé Destrès, curé de Bossuet assura le service du Télagh, comme annexe de sa paroisse. En février 1881, confia le service religieux à l’abbé B.Clavière, premier curé de la paroisse Saint-Jean Baptiste, jusqu’au début de l’année 1885, époque ou il fut remplacé par l’abbé F.Leyzour. Le centre resta sous la domination militaire, jusqu’au commencement de l’année 1885, époque à laquelle il devint le siège d’une commune-mixte. Pendant une quinzaine d’année, le service du culte eut lieu dans une ancienne école du temps du camp des Spahis.
Au début du siècle, Le Télagh eut une église assez vaste, bénite en même temps que sa cloche par l’abbé Poux, délégué par Mgr Cantel, assisté de l’abbé Recort, curé de Sidi-Brahim. L’église formait un seul vaisseau.
La maçonnerie était en pierre dure, le clocheton était surmonté d’une croix en pierre.
Bâtiment construit sur un terrain de deux ares environ dépendant du lot urbain n° 26. Eglise de 30 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur et 10 mètres de hauteur, composée d’une nef unique à laquelle on accède par une porte à deux battants en bois blanc peint, d’un sanctuaire et d’une sacristie. Nef éclairée par huit fenêtres latérales et deux fenêtres de fond style roman, le sanctuaire par deux fenêtres et la sacristie par une fenêtre. La partie de la toiture qui se trouve au-dessus de la porte d’entrée est surmonté d’un petit ouvrage en pierre dans lequel est scellée une cloche de 150 kg environ (1).
Grace à l’impulsion de Fillol Alban-Robert, receveur des contributions diverses et président de la fédération nationale d’action catholique, un clocher de 21 mètres a été construit.
Desservi par l’abbé Christian Cruchon, un curé, jeune sans doute mais fatigué, et qui doit assurer le service paroissial dans diverses annexes dont Rochambeau, Ain Tindamine, Bossuet, Zégla … .
Parmi tous les curés qui se sont succédé, on peut citer: l’abbé F.Leyzour (1885-1919). Barthès (1920-1929), Combes (1929-1935), Vallarino (1935-1947), Filliard (1947-1959), Christian Cruchon, dernier curé (1959-1962).
*-Les souvenirs de ma sœur ont 68 ans, quand elle me les raconte je les vis, je suis dans notre village Le Télagh, celui où il y avait notre belle église avec la place entourée de palmiers.
Souvenirs d’enfance d’Edouarde Segura née Garcia Racontés et mis en pages par Colette Teulet
*-Lorsque la cloche de l’église annonçait par le glas le décès d’une personne, une grande émotion nous saisissait .Nous cherchions à connaître le nom de la famille endeuillée. Chez nous, bien souvent, un paquet de bougies était adressé aux proches du défunt .Lors du passage du convoi funèbre, un grand frisson parcourait tout notre corps, en percevant, les pas cadencés des accompagnateurs et la voix du prêtre psalmodiant les prières des morts.
*-Lors d’un mariage les cloches de l’église carillonnaient et les habitants étaient avertis qu’un événement heureux se produisait.
Tout le monde se réjouissait de la nouvelle .Beaucoup d’enfants se rendaient à l’église et attendaient la sortie du cortège pour déguster quelques dragées.
Louis AMOURIQ
*-Au village il y avait les dames de la ligue Catholique, qui s’impliquaient dans la vie de l’église. Madame Cavé, madame Aillaud, Madame Bougeon Madame Fillol, madame Cambon (la maman à Claude) ; elles nous faisaient jouer des petites scènes, danser dans des petits ballets, pour la kermesse.
*-Madame Aillaud jouait de l’harmonium à l’église, et après la communion solennelle, avec Maryse, Clotilde, Michèle, Raymonde nous avons fait partie de la chorale. L’abbé Filliard a interrompu un jour la messe pour dire : -Je demanderais à ces demoiselles de la chorale de bien vouloir arrêter de parler !
Celles et ceux qui se rappellent de notre curé savent, qu’il n’était pas toujours commode. La chorale c’était la messe du dimanche, mais aussi les mariages et après nous étions invités à l’apéritif, que de bons souvenirs !
En évoquant le curé Filliard, il me souvient qu’un jour nous partions au catéchisme tout un petit groupe, juste avant le presbytère on rencontre Antoine Ségura (le mari à Odette Gomez) qui nous demande :
-Où vous allez ? (il était gendarme auxiliaire donc en tenue)
-Ben on va au catéchisme !
-Mais il n’y a pas catéchisme aujourd’hui, monsieur le curé est mort !
Nous sommes partis en courant sans chercher à comprendre, annoncer la nouvelle à la maison, certaines mamans se sont précipitées au presbytère, et là devinez qui leur a ouvert la porte ? Oui, oui le curé ! Je ne vous dis pas la surprise !
*-Un retour aux sources plein de nostalgie, de plaisir mais aussi de tristesse de voir, que certains lieux ne sont pas entretenus, l’Eglise du Télagh par exemple, délabrée, que certains aimerait bien qu’elle devienne au moins école coranique, pour qu’à nouveau cet endroit redevienne « vivant ».
Ce que je ressens après avoir écouté le récit de ce premier voyage en Algérie, c’est qu’il ne faudrait pas grand chose pour que de nouveau se crée des liens d’amitié et de partage avec ceux que moi j’appelle « nos compatriotes » ne sommes nous pas nés sur la même terre ? Et combien nous l’aimons encore notre belle Algérie ! Pas grand chose ? Qu’il est difficile à trouver ce « pas grand chose ».
Mais je vous rassure, il existe des 2 côtés des personnes de bonne volonté et de gentillesse, qui œuvrent pour que tout se passe bien, je leur tire mon chapeau, je les embrasse et je leur dis« MERCI, CHOKRANE ».
Colette Teulet ……………………………………………. B.FEDDAL
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PROVERBES- DICTONS ET EXPRESSIONS SUGGESTIVES ESPAGNOLS,
UTILISES EN ORANIE
Rodriguez Manuel (Sidi- Bel-Abbès. ORANIE)
Ces exemples ont été consignés par mes soins, dans un classeur, depuis plus de 30ans. Ils sont le fruit de conversations avec mon grand-père maternel (les autres grands-parents étant partis trop vite), mes parents (surtout ma mère), mes beaux parents , des cousins Oranais rattachés par alliance à la famille, ou ont été glanés ici ou là lors de rencontres fortuites ou programmées, avec des amis Oraniens.
Contrairement à certains mots de vocabulaire, à la conjugaison et à la syntaxe qui ont souffert de l’absence d’écriture, les proverbes, les dictons et une multitude d’expressions sont comme des objets précieux n’ayant subi aucune altération, après plus d’un siècle d’usage.
Ils n’ont pas pris une seule ride comme on dit.
Nous avons donc su, avec bonheur, les sauvegarder.
N’en déplaise à certains esprits chagrins, confondant trop vite expérience personnelle et implication de tout un peuple, vous constaterez que notre bagage linguistique n’était pas aussi négligeable que cela.
La génération de nos parents et celle de nos grands-parents, s’exprimaient, à l’instar des andalous, à coup de proverbes, de dictons et d’expressions imagées.
Ceci constituait, tout naturellement, l’essentiel de leur discours.
S’entretenir avec ces Ibériques du sud ou du levant péninsulaire, même de sujets graves, équivalait très souvent à un moment de plaisir. Ces images fortes, suggestives, ces dictons savoureux qu’ils balançaient à tout instant, ne laissaient pas insensible l’interlocuteur, l’obligeant à garder le sourire de façon presque permanente et déclenchant souvent des éclats de rire incontrôlés.
Ils furent en quelque sorte, par cette manière de s’exprimer, et toute proportion gardée, l’illustration parfaite de ce brave Sancho Panza, qui avait toute la sympathie de notre illustre Miguel de Cervantes.
Cet humble écuyer analphabète, parangon de la sagesse populaire, n’affirmait-il pas, comme en s’excusant, lors d’une de ses pérégrinations à travers le pays, aux côtés de son fou de maître, qu’il ne savait jamais raisonner sans recourir aux proverbes.
Oui, ces gens du petit peuple s’appuyaient sur ces expressions empreintes de vérités premières, de véritables axiomes en quelque sorte, pour pallier leur manque de culture. C’était l’indispensable « muleta », la béquille, qui leur permettait d’assurer leur marche et qui éclairait leur chemin.
(phonétique espagnole : u [ ou], e [ é], ch [ tch], ñ [ gn], le ll [ye] , le g suivi de e ou i se prononce comme le j, jota, le « s » est toujours simple et il est toujours prononcé avec le son d’un double « s » [ss]
L’écriture est fidèle à la prononciation populaire.
PROVERBES
El grajo le dijo al cuervo : « Haste más allá que eres muy negro ! »
Bien vienes mal, si vienes solo.
No hay mal que cien años dure.
No hay mal que por bien no venga.
Dinero del sacristán, cantando viene y cantando se va.
Cuando Dios quiere, raso está el cielo y llueve.
Cuando vino la golondrina, el verano estaba encima.
Cuando vino el perdón, ya estábamos ahorcaos!
Este tiene mucho viento y poco que aventar.
No hay asqueroso que no sea marrano.
Dios aprieta pero no ahoga.
Dios los cría y ellos se juntan.
Agua que no has de beber déjala correr.
Cada gallo canta en su gallinero.
Al caballo regalao, no se le miran los dientes.
Cada uno va a su avío, y yo al mío.
Entre el uno y el otro, la casa sin barrer.
Dios castiga y no con palos.
La avaricia rompe el saco.
En casa del herrero, cuchillo de palo.
Cría cuervos y te sacarán los ojos.
Al revés te lo digo para que me entiendas.
Cuanto menos bulto, más claridad.
Cuanto más veo, más deseo.
Las cuentas claras y el chocolate espezo.
Dios da turrón a los que no tienen dientes.
Lo barato sale caro.
Dame pan y dime tonto.
Le va a costar la torta un pan.
Le va a costar el gusto y la gana.
Se va a quedar con el gusto y la gana.
Ojos hay que de lagañas se enamoran.
Las medias, para las mujeres.
En boca cerrada, no entran moscas.
Para echarla, echarla gorda.
En domingo de Ramos, el que no estrena no tiene manos.
El martes, ni te cases ni te embarques.
Este mundo es un fandango, y el que no lo baila es un tonto.
Gato con guantes, no caza ratas.
Fue por lana y volvió trasquilao.
Mucho hay, pero mal repartido.
Hay, hay , pero están verdes.
Hay más días que longanizas.
Justicia, pero no por mi casa.
Lo que no se llevan los ladrones , aparece por los rincones.
Si la avaricia fuera tiña , cuántos tiñosos hubiera.
Para el hambre, no hay pan duro.
Más vale duro que ninguno.
Más vale pájaro en mano que cien volando.
Quién te puso gorrión , de pájaros entendía.
Más vale solo que mal acompañao.
Cuanto menos bulto , más claridad.
El muerto al hoyo y el vivo al bollo.
No es nada lo del ojo, y lo llevaba en la mano( o colgando).
No quiero ! No quiero ! pero échamelo en el sombrero.
Ojos que no ven, corazón que no siente.
Pan con pan, comida de tontos.
Sin duro, pan duro
Sin sal comía el lobo y estaba gordo.
Parientes y burros viejos, pocos y lejos.
Perro que ladra no muerde.
Primera mujer, escoba , y la segunda, señora.
Como el carrico del tío Fernando, un ratico a pie y otro andando.
El que llega tarde, ni oye misa ni come carne.
Al que madruga , Dios le ayuda.
El que se junta con un cojo ,si no cojea, renguea.
Eso quisiera el gato, lamer el plato.
El que no llora, no mama.
El que tiene hambre, ensueña rollos.
Por un día que maté un perro, mataperros me pusieron.( idem con « gato »)
Quién te ha visto y quién te ve !
El que burro nace, burro se queda.
El que corta y reparte, se lleva la mejor parte.
Como Juan Paélez( Pa ..él.. es), tu te lo traes y tu te lo comes.
A burro flaco, palos con él !
Todos los palos van pa (para) el burro !
Santo Tomás, una y no más.
El que sin pascua pascuea, llega Pascua y todo lo desea.
Después de cornuo, apaleao.
Te conozco bacalao, auque vengas disfrazao.
Tira la piedra y esconde la mano.
Todo se pega, menos la hermosura.
Unos tienen la fama y otros cardan la lana.
La vergüenza era verde y se la comió un burro.
Vaya yo caliente, y que se ría la gente.
Después de burro muerto, la cebá (cebada) al rabo.
Al freír será el reír, y al pagar será el llorar.
El ojo del amo, engorda al caballo.
Me haces cien pero me faltas en una, ya no me has hecho ninguna.
Con la gloria se pierde la memoria.
Hay que saber nadar, y guardar la ropa.
El miedo guarda la viña.
Tanto tienes, tanto vales.
Tiene más hambre que un maestro de escuela.( o que un barbero)
Y viva la gallina aunque con la pepita.
Lo mío mío, y lo tuyo a repartir.
De noche leones y de mañana camaleones.
Unos nacen con estrellas y otros nacen estrellaos.
Más vale tarde que nunca.
Más vale maña que fuerza.
La del tordo, la cara flaca y el culo gordo.
Al mejor cazador se le escapa la liebre.
Ante la muerte, de viejo no te apresures y de joven no te asegures.
Yo soy el tonto de mi lugar que todos comen trabajando , y yo como sin trabajar.
De fuera vendrán, y de mi casa me echarán.
No ha salido del cascarón, y ya tiene espolón.
Una mano lava la otra y las dos lavan la cara.
De día no me veo y de noche me espulgo.
A la vieja y al bancal todo lo que se le pueda sacar.
No tanta luz que me encandilo.
Lo poco da gusto y lo mucho enfada.
Justicia por todo sitio y no por mi casa.
Jesús ! Por hogaño, que no me haga daño.
El que cuece y amasa de todo le pasa.
El que roba a un ladrón, tiene cien años de perdón.
El que se esconde bajo hojas, dos veces se moja.
Catalina mi vecina, no es mujer de trato
Porque se come la longaniza y echa la culpa al gato.
THEMES. LES MOIS DE L’ANNEE
En enero, se hiela el agua en el puchero.
En febrero, ya toma la sombra el perro.
Si marzo marcea, no hay quien pase por el alamea (alameda- les glacis chez nous))
Si marzo marcea, la vieja en el rincón se mea.
En abril, se le quemó a la vieja el mandil( el delantal).
Hasta el cuarenta de mayo, no te quites el sayo.
Noviembre ! Dichoso mes que empieza por To Santos ( Todos Santos), y acaba por San Andrés.
DICTONS POPULAIRES – EXPRESSIONS SUGGESTIVES
Eres más pesao que el plomo.
Es más feo que pegarle a un padre.
Es más sordo que una tapia ( muro bajo de piedras).
Es más gandul que Amaro !
Esta mujer corta más que un alacrán.
Esta niña tiene más huesos que una caja de dátiles.
No ve ni siete en un burro.
Déjale hilo a la bilocha.
Y vuelta Perico al torno.
Ir como Juan por su calle.
Estar como piojo en costura.
Eres más corto que las mangas de un chaleco.
Es más pillo que bonico.
Para hacer eso, Dios y ayuda ! ( o Dios y león)
Si eso es razonable, que venga Dios y lo vea.
Esta moza es un huevo sin sal ( sosa)
Esta moza ni puncha ni corta ( no tiene salía – sin initiativa)
Este la mata callando.
Eso no vale nada ! Pero si me lo das me lo como.
Se quedó cacareando y sin plumas.
Eres más tonto que un capazo de higos.
Este cipote, si va a la mar se seca.
Este es un verdadero sacamuelas.
Este es el primo hermano del pisebre( pesebre) de mi burro.
Arranque de caballo y parada de burro.
Este es otro que bien baila.
Este niño es bueno de pelar !
Este trabajo es duro de pelar !
Toma higos Pepa , que se agusanan !
Madre mía ! Como está el patio !
Se armó la de San Quintín.
Eres más atrasao que el rabo .
Bueno estaba y se murió.
Es más viejo que la cortina de saco.
Es más viejo que la muralla del zurco ( zoco).
Anda que te piquen los pollos !
Por si las moscas !
Que se vaya a tomar viento a la farola !
Esto es la ley del embuo. Lo ancho pa mi, lo estrecho pa ti.
Y Si te vi , no me acuerdo.
Y tu no sabes de la misa la mitad.
Los pillos nus (nos) comen, y estaban ahí el padre y el hijo.
Otra sardina al fuego !
Y éste, echando la lengua y metiendo la pata.
Es más viejo que Sansón.
El que la pilla pa (para) él.
Cada uno se la pela.
Si Dios quiere y cuaja !
Este no pinta un rábano.
La pobre moza , se quedó para vestir santos.
Se quedó con el moño hecho.
Tiene veinte años y lo que mamó.
Esto es un lío liao.
Tiene más dinero que pesa él.
No tiene para el pan, pero sí para los rábanos.
Lo que faltaba pa(ra) el kilo.
Pa(ra) echarla, echarla gorda !
Este se cree que la oreja es tocino.
Cállate picuica, que tu madre lo dirá !
Eres un gandúl ! Aquí me las traigan !
Y eso le gusta a usted ? Pos pa ( pues para) su alma el caldo.
A este sinvergüenza, mi padre lo puso de vuelta y media.
DICTONS UN PEU OSES
El que mucho se acacha, el culo se le ve.
Culo veo, culo deseo.
Están como culo y camisa!
Hoy fuma puro y mañana por culo.
Estoy joío y puesto al sol.
Te has casao, te has cagao..
Es más tonto que cagar pa(ra) arriba.
El que con niño se acuesta, meao se levanta !
Cuanto más primo, más me arrimo.( o te lo arrimo)
A la vejez, viruelas.
Más pueden dos tetas que cien carretas.
El cuento de María Sarmiento, que se fue a mear y se la llevó el viento !
Santo que mea, colgao se vea !
Joder ! Peor es no poder!
Salut i força al canut !( Valencien)
Este niño tiene culo de mal asiento.
Esta niña tiene el culo como una zafa !
Que vayan a tomar por saco!( o por culo !)
Anda que le den morcillas !
Como tiene nariz)el nas, tiene el compás.( el nas, mot valencien = la
Con paciencia y con saliva, Se cargó el elefante a la hormiga.
Anda ! Que le den por donde amargan los pepinos !
Rodriguez Manuel (Sidi- Bel-Abbès. ORANIE)
LEXIQUE TELAGHIEN
Aam El Boun: Période pénible, difficile à supporter pour les populations musulmanes, se situe entre 1940-43. Durée pendant laquelle tout manquait. Les pénuries de toutes sortes.
– Algérie Libre: Titre du journal des nationalistes-indépendantistes algériens (vendu secrètement au Télagh »1947-48″ par Tahar Hadjar.
– Agha: Chef musulman désigné par l’autorité française. (Il est au dessus du caïd).
– A.L.N: Armée de Libération Nationale.
– Aoula: Réserve alimentaire Familiale.
– Arch: Tribu (Berbère: Taqbilt).
– Ardh: Terre : -Communale: Appartenant à la commune. -Domaniale : Appartenant au domaine public.
-Melk : Propriété privé.
-Arch : Appartenant à la tribu.
-Sebga : Collective après distraction des parties couvertes d’alfa. – Arrondissement-Sous Préfecture: Daïra.
– Autochtone-Indigene: Originaire, natif du pays. Qui n’y est pas venu par émigration.
– Ayla: Famille (Berbère:Akham).
– Bachadel Chef: Responsable de la justice musulmane.
– Bereh: Annonceur.
– Bey: (mot turc) Haut fonctionnaire, officier supérieur dans l’empire Ottoman.
– Beylec: Appartenant au BeC
– Caid: Chef musulman désigné par l’administration française à la tête d’un douar.
– Caiyada: Pouvoir exercé par un caïd.
– Chaouch: Appariteur.
– Chih: Armoise (Artemisia Alpa).
– Commune Mixte: Jusqu’en 1962, les institutions communales ont été régies par divers textes. Les communes mixtes englobant plusieurs douars et tribus étaient administrées par un fonctionnaire de l’autorité coloniale: (l’administrateur), lui même secondé par les caïds locaux. A l’intérieur des communes mixtes avaient été crées des centres municipaux dotés de l’autonomie financière et gérés par une municipalité issue du deuxième collège (celui des algériens). Néanmoins ces centres étaient sous la tutelle de l’administrateur de la commune mixte.
– Commune de plein éxercice: Avait une organisation proche de l’ensemble des communes françaises. Ce type de commune existait là ou la population européenne était importante.
D
– Dar El Askri: Maison du soldat.
– Djemaa: Assemblée des chefs de famille.
– Douar: Village arabe (Sous fraction, sous clan) (Berbère: Adroum).
– Douro: Unité monétaire.
F
– Fellaghas: Combattants Algériens.
– Fida : Guérilla urbaine.
– Fidai: celui qui se sacrifie, car il a peu de chance d’échapper à la suite d’une action urbaine.
G
– Garde Campetre: Employé communal, préposé à la garde et la surveillance des propriétés rurales.
– Guetna: Camp de regroupement(Cercla).
– Gourbi: Habitation rudimentaire traditionnelle
- – Bicot: Chevreau, cabri (petit de la chèvre).
– Bosquet: Groupe d’arbres ou d’arbustes, petit bois, buissons.
– Bottar: Nom d’un gros colon terrien de la région.
– Bouzoulay: Nom de l’oued traversant l’est du Télagh.
H
– Hadri: Citadin.
– Hakem: Administrateur (Mastatour).
– Halfa: Alfa (Stipa Tenacissima).
– Haouita: Petit pourtour de pierres, effectué à la mémoire d’un saint.
K
– Kheima: Tente.
– Kheima Kebira: Grande famille d’origine noble.
– Khélie: Viande salée, sèche.
– Koubba: Monument élevé sur la tombe d’un marabout.
L
– Légion Etrangere: (La Lijou) Formation combattante interarmes de l’armée française composée d’étrangers sous commandement français. Elle a été crée sous le régime Louis Philipe, par ordonnance royale du 10 mars 1831, afin de servir en Algérie. Son quartier général a été installé à Sidi Bel Abbes. Il y restait jusqu’en 1962.
M
– Mandra: Endroit de battages des céréales.
– Matmoura: Grenier souterrain.
– Marabout: Saint personnage, objet de la vénération populaire durant sa vie et après sa mort.
N
– Nader: Meule de fourrage ou de foin.
O
– O.A.S: Organisation de l’Armée Secrète. Organisation clandestine française qui tenta par la violence de s’opposer à l’indépendance de l’Algérie après l’échec du putsch d’Alger (1961).
P
– Patta Rana: (mot espagnol). Pattes de rainette (grenouille). Surnom de Mired Abdeslem, ancien cordonnier au Télagh.
– Poste T.S.F: Abréviation de « télégraphie sans fil ». Radio du FLN émettant du Nador (Maroc).
– Préfecture: Wilaya.
R
– R.E.I: Régiment Etranger d’Infanterie.
– 2éme Régiment: Mis sur pied en 1856, il vient renforcer le 1er R.E.I basé à Sidi Bel Abbes. Ce corps a constitué ainsi dés le début une armée de bâtisseurs. Ils seront utilisés dés leur installation, d’abord provisoire pour la création et le développement des centres de colonisation de la région, là ou préexistaient souvent des hameaux indigènes. Les raisons stratégiques du choix du Télagh sont alors les suivantes:
– Surveiller et s’infiltrer dans le territoire des tribus de la région.
– Y implanter des colons et les aider à s’y maintenir.
– Conserver ouverte la route du sud menant d’abord à Dhaya puis au Sahara. C’est pourquoi une des taches prioritaires confiées au 1er régiment a été l’aménagement, l’entretien et le contrôle de cette route, entamée dés 1842-45 et donc avant même la fondation du centre de colonisation de Sidi Bel Abbes.
R
– Roumi: Nom donné par les musulmans aux chrétiens.
– Torjman: Interprète judiciaire.
– Touiza: Entraide collective.
– Tourizé: Naturalisé. Acte par lequel l’état Français accorde par décret la nationalité à un étranger qui l’a demandée, garantissant son assimilation aux « mœurs, habitudes, coutumes et usages » nationaux.
S
– Spahis: (mot turc) (Sbayess). Cavalier de l’armée Française appartenant à un corps crée en 1834 en Algérie.
Z
– Ziara: Visite pieuse, et par extension, offrande à un marabout.
– Zriba: Enclos pour le troupeau de moutons.
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Aam El Boun: Période pénible, difficile à supporter pour les populations musulmanes, se situe entre 1940-43. Durée pendant laquelle tout manquait. Les pénuries de toutes sortes.
– Algérie Libre: Titre du journal des nationalistes-indépendantistes algériens (vendu secrètement au Télagh »1947-48″ par Tahar Hadjar.
– Agha: Chef musulman désigné par l’autorité française. (Il est au dessus du caïd).
– A.L.N: Armée de Libération Nationale.
– Aoula: Réserve alimentaire Familiale.
– Arch: Tribu (Berbère: Taqbilt).
– Ardh: Terre : -Communale: Appartenant à la commune. -Domaniale : Appartenant au domaine public.
-Melk : Propriété privé.
-Arch : Appartenant à la tribu.
-Sebga : Collective après distraction des parties couvertes d’alfa. – Arrondissement-Sous Préfecture: Daïra.
– Autochtone-Indigene: Originaire, natif du pays. Qui n’y est pas venu par émigration.
– Ayla: Famille (Berbère:Akham).
– Bachadel Chef: Responsable de la justice musulmane.
– Bereh: Annonceur.
– Bey: (mot turc) Haut fonctionnaire, officier supérieur dans l’empire Ottoman.
– Beylec: Appartenant au BeC
– Caid: Chef musulman désigné par l’administration française à la tête d’un douar.
– Caiyada: Pouvoir exercé par un caïd.
– Chaouch: Appariteur.
– Chih: Armoise (Artemisia Alpa).
– Commune Mixte: Jusqu’en 1962, les institutions communales ont été régies par divers textes. Les communes mixtes englobant plusieurs douars et tribus étaient administrées par un fonctionnaire de l’autorité coloniale: (l’administrateur), lui même secondé par les caïds locaux. A l’intérieur des communes mixtes avaient été crées des centres municipaux dotés de l’autonomie financière et gérés par une municipalité issue du deuxième collège (celui des algériens). Néanmoins ces centres étaient sous la tutelle de l’administrateur de la commune mixte.
– Commune de plein éxercice: Avait une organisation proche de l’ensemble des communes françaises. Ce type de commune existait là ou la population européenne était importante.
D
– Dar El Askri: Maison du soldat.
– Djemaa: Assemblée des chefs de famille.
– Douar: Village arabe (Sous fraction, sous clan) (Berbère: Adroum).
– Douro: Unité monétaire.
F
– Fellaghas: Combattants Algériens.
– Fida : Guérilla urbaine.
– Fidai: celui qui se sacrifie, car il a peu de chance d’échapper à la suite d’une action urbaine.
G
– Garde Champêtre: Employé communal, préposé à la garde et la surveillance des propriétés rurales.
– Guetna: Camp de regroupement(Cercla).
– Gourbi: Habitation rudimentaire traditionnelle
- – Bicot: Chevreau, cabri (petit de la chèvre).
– Bosquet: Groupe d’arbres ou d’arbustes, petit bois, buissons.
– Bottar: Nom d’un gros colon terrien de la région.
– Bouzoulay: Nom de l’oued traversant l’est du Télagh.
H
– Hadri: Citadin.
– Hakem: Administrateur (Mastatour).
– Halfa: Alfa (Stipa Tenacissima).
– Haouita: Petit pourtour de pierres, effectué à la mémoire d’un saint.
K
– Kheima: Tente.
– Kheima Kebira: Grande famille d’origine noble.
– Khélie: Viande salée, sèche.
– Koubba: Monument élevé sur la tombe d’un marabout.
L
– Légion Etrangère: (La Lijou) Formation combattante interarmes de l’armée française composée d’étrangers sous commandement français. Elle a été crée sous le régime Louis Philipe, par ordonnance royale du 10 mars 1831, afin de servir en Algérie. Son quartier général a été installé à Sidi Bel Abbés. Il y restait jusqu’en 1962.
M
– Mandra: Endroit de battages des céréales.
– Matmoura: Grenier souterrain.
– Marabout: Saint personnage, objet de la vénération populaire durant sa vie et après sa mort.
N
– Nader: Meule de fourrage ou de foin.
O
– O.A.S: Organisation de l’Armée Secrète. Organisation clandestine française qui tenta par la violence de s’opposer à l’indépendance de l’Algérie après l’échec du putsch d’Alger (1961).
P
– Patta Rana: (mot espagnol). Pattes de rainette (grenouille). Surnom de Mired Abdeslem, ancien cordonnier au Télagh.
– Poste T.S.F: Abréviation de « télégraphie sans fil ». Radio du FLN émettant du Nador (Maroc).
– Préfecture: Wilaya.
R
– R.E.I: Régiment Etranger d’Infanterie.
– 2éme Régiment: Mis sur pied en 1856, il vient renforcer le 1er R.E.I basé à Sidi Bel Abbés. Ce corps a constitué ainsi dés le début une armée de bâtisseurs. Ils seront utilisés dés leur installation, d’abord provisoire pour la création et le développement des centres de colonisation de la région, là ou préexistaient souvent des hameaux indigènes. Les raisons stratégiques du choix du Télagh sont alors les suivantes:
– Surveiller et s’infiltrer dans le territoire des tribus de la région.
– Y implanter des colons et les aider à s’y maintenir.
– Conserver ouverte la route du sud menant d’abord à Dhaya puis au Sahara. C’est pourquoi une des taches prioritaires confiées au 1er régiment a été l’aménagement, l’entretien et le contrôle de cette route, entamée dés 1842-45 et donc avant même la fondation du centre de colonisation de Sidi Bel Abbes.
R
– Roumi: Nom donné par les musulmans aux chrétiens.
– Torjman: Interprète judiciaire.
– Touiza: Entraide collective.
– Tourizé: Naturalisé. Acte par lequel l’état Français accorde par décret la nationalité à un étranger qui l’a demandée, garantissant son assimilation aux « mœurs, habitudes, coutumes et usages » nationaux.
S
– Spahis: (mot turc) (Sbayess). Cavalier de l’armée Française appartenant à un corps crée en 1834 en Algérie.
Z
– Ziara: Visite pieuse, et par extension, offrande à un marabout.
– Zriba: Enclos pour le troupeau de moutons.
TELAGH : LE MONUMENT AUX MORTS
L’inauguration du monument élevé à la mémoire des glorieux enfants du Télagh morts, a été le 25 mai 1924 dans cette coquette commune, l’occasion d’une imposante cérémonie patriotique.
Cette fête du souvenir pieux du à ceux qui se sont immolés, était placée sous la présidence d’honneur de M. Gasser, sénateur d’Oran ; M. le Général commandant la Division d’Oran ; MM. Petit; et Roux-Fressineng, députés d’Oran; M. Ferlet, Préfet du département d’Oran.
Dès 10 heures 30 les autos avaient amené en grand, nombre les notabilités et les sociétés des localités environnantes et le cortège se mit aussitôt en marche pour se rendre à l’emplacement où se dressait le monument, représentant un poilu, plein de vie, brandissant d’une main un fusil et de l’autre un drapeau.
Cette superbe allégorie est due au ciseau du talentueux sculpteur, M. Gonzalez Louis, de Tlemcen.
Nous n’aurions garde d’oublier M. Pastor pour le soin qu’il a employé à décorer le monument.
Dans l’assistance qui se presse au pied de la statue: M. Cambon Etienne, maire du Télagh; MM. les Conseillers généraux et délégués financiers; la Commission du monument composée de MM. Garland Louis, président : Kalfont Clément; Cathala Albert et Marioni Albert; MM. Mégias, délégué de l’Office départemental des mutilés et veuves de guerre du département d’Oran et Bollux Basset, président et délégué des mutilés d’Oran; M. le docteur Lamande, président de la société des mutilés et réformés de Sidi-Bel-Abbès avec drapeau; M. Vacher, président de la Société des Médaillés militaires de Sidi-Bel-Abbès, avec drapeau, ainsi qu’une foule immense venue de toute part pour rendre un suprême hommage aux glorieux enfants dont les noms sont incrustés dans le marbré du monument.
A 11 heures, les élèves de l’école de garçons du Télagh entonnent des chants patriotiques. La Légion Étrangère exécute ensuite la « Marseillaise », écoutée ; dans le plus grand recueillement.
La commission remet alors le monument au Maire de la Commune. Les élèves de l’école des filles du Télagh chantent alors de nouveaux airs patriotiques.
La cérémonie continue pour la remise de la Médaille Militaire par le Général de Division à MM. Tanchot Victor; BensimonCharles et Gabaron Jean.
La musique de la Légion Étrangère exécute ensuite une marche funèbre dont les accents, rendent encore plus solennelle cette imposante cérémonie.
M le Maire du Télagh remercie, en termes émus, la nombreuse assistance de l’hommage rendu aux héros de la commune et promet de veiller avec un soin jaloux au monument qui lui est confié.
Un grand banquet au marché couvert suivit la cérémonie.
Les habitants du Télagh conserveront longtemps le souvenir de l’hommage rendu à leurs chers morts. Ils remercient la commission du monument, les instituteurs et institutrices qui ont prêté leurs concours à cette cérémonie, et en général tous ceux qui ont contribué à la rendre grandiose
A l’occasion dé la fête de la Toussaint, sur la patriotique initiative des mutilés de guerre du Télagh, une pieuse cérémonie s’est déroulée le 1er novembre 1924 devant le monument des enfants de la commune morts pour la France. C’est que, malgré sa modestie, le petit village du Télagh compte 130 héros morts au champ d’honneur. A trois heures de l’après-midi, toute la population s’est rendue en cortège au monument où se trouvaient déjà le clergé et les enfants des écoles. Après les prières liturgiques, les mutilés de guerre ont alors déposé, à la base du monument, une superbe couronne portant cette inscription : « Les Mutilés et Réformés de la grande guerre à leurs frères, morts pour la ‘France. » Les fillettes des écoles ont alors entonné un chant patriotique et M. Cambon, maire, a prononcé un discours dont ci-joint(2).-
– À suivre : Listes des Télaghiens morts lors de la 1ere guerre mondiale 14/18.- ……………………………………………………………………………. B.FEDDAL
CREATION DU TELAGH
En 1858, le 2éme régiment de spahis (ou cavalerie indigène) stationné à Boukhanéfis, a reçu par autorisation du ministre de la guerre français de l’époque: le maréchal Vaillant, une étendue de 1456 hectares de terres dénommées: « Terres de l’Oued de Télagh »: Nom d’origine berbère, et non d’origine turc, (Contrairement aux écrits de l’ancien maire français Cambon Etienne°
Les linguistes affirment que les noms et toponymes les plus anciens sont ceux des cours d’eau et des montagnes, et que la plupart d’entre eux doivent remonter à la plus haute antiquité. Cependant, l’évolution des langues et les altérations qu’elles subissent de la part des générations qui se succèdent, font qu’il nous très difficile aujourd’hui d’en saisir le sens, et ce malgré nos diverses sources de recherche :
— Talxemt: Non d’un village aurésien, la racine LGHM, se trouve dans un certain nombres de lieux:
– Tilghemt dans le Mzab.
– Télaghma: Nom d’une tribu au sud de Constantine.
Voilà l’essentiel de ce que nous avons pu réunir comme renseignements sur la toponymie de ce lieu. Comme on le voit, les sources sont limitées et ne nous apprennent pas grand chose.
Des quelques renseignements que nous possédons sur ce ce sujet, il ressort que la zone était inhabitée avant l’implantation du poste militaire français, et que Télagh ne sera connu des tribus de la région qu’a partir de l’installation des colons sur l’oued dont il prendra le nom.
La zone était fortement boisée (chênes verts, lentisques, broussailles basses de toutes nature), et infestée de bêtes sauvages… Les grands fauves tenaient une place respectable dans ce concert d’animaux, et parmi eux, les panthères et les lions.-
Léon Adoue cite l’histoire merveilleuse d’un des derniers Nemroud indigènes de la région:
» Demouche avait tué dans sa vie 84 lions et une trentaine de panthères; le Dey, pour dernière récompense, l’avait nommé caïd de sa tribu ». Cela se passait donc avant l’arrivée des militaires français mais pour les besoins de la cause, il fallait que ces fauves existassent encore !;6Le génie militaire construisait immédiatement tous les bâtiments nécessaires destinés à recevoir ce régiment et assurer l’administration de leurs terres et la surveillance de la région.
Bientôt s’élevèrent des logements et bureaux pour les officiers gradés, des baraques pour les sous officiers, des écuries pour les chevaux. Les spahis logeaient sous les tentes.-
Le poste militaire du Télagh avait pour mission de garder la route conduisant à Bossuet, ou se trouvait la bureau arabe.
« En regardant bien la carte de la région, on s’aperçoit alors que Dhaya était le point de passage obligé et traditionnel des nomades vers les hautes plaines steppiques et le Sahara.-
Au cours de la période allant de 1850 à 1880, sont alors crées officiellement les centres de colonisation de:
– Ténira : agrandi en 1879 puis en 1880.
– Magenta : en 1870
– Mercier Lacombe : en 1874
– Dhaya et Lamtar : en 1875
– Télagh : en 1880
– Tabia : agrandi en 1880
– Teghalimet et Slissen : en 1881.
De 1858 à 1879, seuls quelques commerçants et débitants de boissons étaient venus s’installer autour des bâtiments occupés par le régiment.
C’est vers le début de 1880 que les premiers colons commencèrent à arriver au Télagh, les terrains autour du cantonnement n’étaient pas défrichés, seuls quelques clairières étaient ensemencées et de petits jardins mis en état et entretenus par les militaires.
Grégut est le premier colon qui en janvier 1880 fut mis en possession de sa concession, il resta seul jusqu’à vers la fin de l’année ou d’autres arrivèrent.-
En 1881, les spahis se portèrent en avant abandonnant aux colons les quelques installations qu’ils avaient crées, seul un sous officier et quelques militaires chargés de faire la police restèrent
En 1882, la commune mixte fut crée, Ximeres et deux adjoints en prirent l’administration et s’installèrent dans les bâtiments laissés vacants par les militaires.
C’est en mai 1904 que le centre du Télagh fut détaché de la commune mixte et érigé en commune de plein exercice avec une superficie de 13.981 hectares (décret du 06 octobre 1903). Son premier maire fut Norbert.
Depuis le Télagh a prit une importance toujours grandissante, grâce à une impulsion donnée par son maire Cambon Etienne, élu en 1919.
La superficie de la commune est passée de 13.981 hectares à sa formation à 17.056 hectares.-
NAISSANCE DU VILLAGE:
L’emplacement que devait occuper le village (un glacis selon l’appellation officielle et courante) et les environs immédiats formaient une zone marécageuse le long de l’oued de Télagh.
En observant la carte de la région, on s’aperçoit que l’oued qui lui a donné son nom s’écoule dans l’axe Sud-nord.
Les quelques maisons que les premiers colons européens avaient bâties en bordure du cantonnement vont se multiplier et les constructions s’étendre vers le nord.
Les services du génie militaire et les entrepreneurs privés avaient réalisé différents ouvrages, notamment :
– Une école communale (1903)
– La mairie en 1935, d’un style original.
– La cave Coopérative, des docks silos pouvant emmagasiner de 35 à 45.000 quintaux de céréales.
– L’hôtel des postes en 1951 (avances de la commune 17000.000 f).
– Le stade municipal en 1952 (2000.000 f).
– L’hôtel des finances.
– Des H.L.M, logement de l’inspection des services de l’élevage, l’église, … .
– L’entourage des places publiques et cimetières.
– L’aménagement des nombreux quartiers.-
Parallèlement à ces réalisations, des travaux de canalisations furent pour alimenter le village en eau potable. Quelques bornes fontaines furent placées en quelques endroit du village, ainsi que des réverbères (lanternes) pour l’éclairage des rues, qui se faisait à l’époque à acétylène (hydrocarbure non saturé).-
Depuis leur installation, tous les conseillers municipaux qui se sont succédés, ont déployé des activités intenses. En une décennie, ils ont réussi à faire du petit village, une petite ville qui prenait de plus en plus d’importance.
L’urbanisation et l’installation des services administratifs, eurent pou conséquence le développement du commerce dans la localité. Les boutiques, les cafés, les débits de boissons etc… devenaient de plus en plus nombreux. Les statistiques de 1957 résument et apportent un peu plus de précisions sur cette évolution.-
QUELQUES ARTÈRES DU TELAGH
ANCIENS NOMS —–NOUVEAUX NOMS
Boulevard National : Bd Larbi Ben M’hidi
Boulevard de Saida: Bd Quievreux de Quievrain
Rue de la République: Bd Mohamed Khemisti
Chemin des Dames: Rue Belghezli Tayeb
Rue de l’Oued : Rue Colonel Amirouche
Rue Marceau : Rue Debbagh Yahia
Rue Clébar: Rue Marek Mohamed
Rue de Carcassone: Rue Lieutenant Zerrouki
Rue de Narbonne: Rue Sergent Kaddour
Avenue de la Somme: Avenue Berkane Daoud
Rue de la Marine : Rue Sini Mohamed
Rue de Nancy: Avenue Rakib Mahiedine
Avenue des Flandres: Avenue Abd El Razak
Rue de Lyon : Rue Mokhtari Ali
Rue de Chicago : Rue Bernamedj Abderrahmane
— Village Zaater : Rue Si Yacine
— El Guetna : Cité Sidi Ahmed
*- AIN EL HALLOUF : (actuellement Ain Nour) Le nom a été donné à cette source à cause des bandes de sangliers qui venaient s’y abreuver avant la création de la fontaine et de l’abreuvoir qui porte ce nom.-
*- La source d’eau vive d’El Hakem qui se trouva au bosquet a disparu, il n’y’a pas longtemps.-
Dans le bosquet, qui était jadis nu, une source d’eau fraiche et abondante fut captée pour servir à l’alimentation des habitants.
Des barrages construits en bordure de l’oued de Télagh permettaient de conserver l’eau nécessaire à l’abreuvement des animaux. C’est à cette époque que furent plantés de beaux arbres.
Quelques années après la grandeur de ce lieu donnait une physionomie rare parmi les paysages de la région, et elle enfermait de secrets de beauté dans les contrastes multipliés dans les effets sont assez larges pour saisir les âmes les plus froides.-
A juste titre c’est un endroit très apprécié de la population qui venait y trouver la fraicheur dans une promenade plaisante et un agréable repos à l’abri des rayons cuisants du soleil d’été au milieu de grands arbres et dans la verdure qui le pare.-
La fraicheur embaumée des brises d’automne, la forte senteur des arbres s’élevaient comme un nuage d’acens et enivraient les admirateurs. Les différentes espèces d’oiseaux faisaient rendre à ce lieu une suave, une sourde mélodie qui frémissait dans les airs.-
La population du Télagh est passée de 82 (création) à 4507 habitants (statistiques 1952) :
POPULATION AGGLOMÉRÉ ÉPARSE TOTAL
Européenne 1127 870 1997
Musulmane 1635 875 2510
Total 2762 1745 4507
Densité: Européens:11km² – Musulmans:15km².
LES ORIGINES:
*- La majorité de la population musulmane provient des tribus de la région : Ouled Balagh, Béni Mathar, Djaafra,Ouled Sidi Yahia, M’hamid, Ouled Sidi Ali Belkherradj, Ouled Obeid, Médiona, Djemamaa, Ouled Sidi Khelifa, Hemeyan, Angad, Oued Sidi Cheick…; d’autres (une minorité) venaient d’assez loin: Maroc, Kabylie, Tlemcen, Relizane … (ils sont jardiniers, artisans,commerçants, tisserands, cordonniers, appariteurs …). Ce sont des gens de classes et d’origines différentes.
*- Le nombre des européens été en augmentation grâce à l’arrivée des français du Midi Pyrénéen.
*- Les espagnols étaient trois fois plus nombreux que les français de souche.
*- Les israélites étaient inclus avec les français (naturalisés français par décret du 24 octobre 1870).
ÉTIENNE CAMBON:
Né le 05 octobre 1876 à Montpellier (Hérault). Maire du Télagh, agriculteur, viticulteur, arrivé en Algérie en 1891 avec ses parents, il s’installe au Télagh en 1903. En 1919, il est élu maire, sous sa municipalité ont été édifiés: L’école de filles, la mairie, la poste, le stade , la grande place,… les trottoirs ont été élargis et améliorés, le percement de la montagne de Bossuet avait été entrepris pour permettre l’alimentation du village en eau potable.
De 1946 à 1951, il était le vice président du conseil général d’Oran.
PIERRE BERNABEU
Entrepreneur de travaux publics. Né à Télagh le 15 décembre 1907, simple manoeuvre, ouvrie macon, il a fondé une entreprise en 1933, élu conseiller municipal avec la liste Cambon en 1947. Il avait acqui une proprieté rurale en 1949 de 180 hectares, puis en 1951, une deuxième proprièté en bordure du village, il fit construire une splendide villa.
En 1952, pour quelques voix seulement, il n’a pas été élu maire.
CLAUDUIS DE FRANCE:
Secrétaire de maire, né le 21 juin 1886 à Dom pierre Sur Besbre (Allier), arrive au Télagh en 1931, correspondant de « l’écho d’Oran ».
ROBERT LACHEZE:
Médecin de la santé, né le 17 mai 1916 à Paris, arrive au Télagh le 03 février 1946, il avait la sympathie de la population, passionné pour l’aviation civile, il était le vice président de l’aéro- club de Sidi Bel Abbes.
FILLOL ALBAN ROBERT:
Receveur des contributions diverses au Télagh. Né le 22 mars 1913 à Agen (Lot et Garonne) arrive au Télagh le 15 octobre 1935.
L’apport gratuit de matériaux de construction a permis l’aménagement du stade et la construction de la colonie de vacances de Notre Dame des Monts.
CLÉMENT KALFON:
Commerçant au boulevard de la république au Télagh. Né le 12 juin 1892 à Sidi Bel Abbes. âgé de trois ans, il arrive avec ses parents au Télagh. C’est l’un des premiers commerçants installés au Télagh, il était conseiller municipal avec la liste Cambon.
LE METRE D’ANISETTE
TELAGH : UN CONCOURS CLASSIQUE A BEDEAU
Comme le dit certaine publicité, il y’a dans ce concours de l’eau et dans cette eau: mais pas beaucoup, beaucoup d’eau comme dans la pub!
Le Dr Robert Lachèze nous présente les notabilités de Bedeau de l’époque:
Le patron du café était « Alberto » ; le Maire était Alexandre Perret ; le patron des cars était Hachemi (qui veilla attentivement sur un jeune chauffeur: Robert Lachèze au volant d’une dépanneuse Berliet 14 CV) ; le Bachaga, un grand et riche hexagonal.
Le Bachaga et le maire n’étaient-ils pas cousin ? Leurs mères étaient sœurs, dit le narrateur… Et pour couronner la brochette, il y avait le curé, haut en couleur, l’inoubliable abbé Perrin : mais du haut de la chaise de la Madeleine à Paris aboutir à la cure de Bedeau, quelle promotion !
Et l’entente entre toutes ces « personnalités » était fraternelle… Hélas un jour est venu de Colombey…
Chaque région de France, Algérie comprise, avait, et a, sa spécialisation soit dans la consommation d’une spécialité ou d’une boisson ; comme Montélimar est célèbre pour son nougat, Rouen est connu pour la saveur de son calva, dans notre chère Oranie, Bedeau était célèbre pour sa consommation d’Anisette et en particulier de (censuré, pas de pub). A un tel point que lorsqu’on se rendait à Bedeau soit pour une affaire, soit pour voir des amis, dés votre arrivée, avant d’entreprendre quoi que soit, les verres étaient placés sur la table avec la grande bouteille d’anisette et une petite bouteille d’eau glacée. Une autre spécialité de cette petite ville d’alfatiers était que l’anisette ne se vendait pas au verre, mais… au mètre. C’est ainsi que tous les comptoirs de café présentaient, sur leur bordure, des clous de tapissier indiquant 25cm, 50 cm, 75 cm, ou bien 1 mètre ou… 2 mètres ! Il suffisait alors de placer longitudinalement au comptoir les verres au contact les uns des autres pour savoir suivant le nombre de convives ou bien leur soif à étancher, le métrage nécessaire de verres. Le patron du café versait alors l’anisette avec une habileté extraordinaire et d’une manière continue, sans relever la bouteille et sans verser une goutte sur le comptoir (N.D.L.R. L’histoire ne dit pas si Alberto a été le professeur de Raimu-Marius ? !) Ensuite de la même manière mais avec beaucoup plus de parcimonie il versait l’eau: le but était évidemment de teinter l’anisette mais pas de la noyer.
Un soir, vers 17 heures, en avril-mai, 4 habitués se mesuraient à la belote, il y avait le patron, une personnalité de Bedeau, le propriétaire des cars Bedeau-Bel-Abbes et enfin, une personnalité musulmane importante de la région des Hauts Plateaux, personnalité très connue et appréciée, et qui, de plus, était cousin germain du maire de la ville par leurs mères.
Survient alors un personnage qui soulève le lourd rideau de coutil bleu du café, rideau qui servait d’écran à la lumière et au soleil, mais qui laissait passer un peu d’air, tout en interdisant l’accès du café aux mouches, si voraces dans ces régions; tout cet appareil permettait d’entretenir dans ce local une atmosphère relativement fraiche et sombre. Ce 5e convive s’approche du comptoir et le patron se lève immédiatement pour servir ce nouveau client.
Bien entendu, il demande une anisette et déclare qu’il venait de la « Marine d’Oran » quartier très populeux de ce grand port méditerranéen et dont les habitants ont la réputation d’être de « grandes gueules » et, en outre, de grands buveurs d’anisette, dont des concurrents direct de Bedeau !
Alors comme la partie de cartes avait été interrompue par le départ d’un des joueurs, l’attention de tous s’était concentrée sur cet étranger d’autant plus qu’il venait de la Marine d’Oran. Rendu hardi par le silence qui régnait, il osa provoquer l’honneur de Bedeau en disant à haute voix : »On m’avait dit qu’à Bedeau, il y avait de grands buveurs, mais on vous voyant je n’y crois pas ! »
Le défi était lancé et l’honneur de Bedeau était en jeu. La personnalité européenne de Bedeau se tourne vers son cousin, la personnalité musulmane : « On la joue à la Ronda, et le vainqueur relèvera le défi. » La partie fut dure mais honnête et ce fut la personnalité européenne qui l’emporta. Alors le vainqueur se leva dignement, s’étira de toute sa hauteur (il, mesurait plus de 1,85 m) dépassant son adversaire de toute la tète et déclara: « Patron, ce sera 1 mètre ! » J’ignore combien de mètres se succèdent, mais à mesure que le combat se prolongeait, le café se remplissait, car la rumeur de cette confrontation s’était déjà répandue dans cette petite ville ou tous les Européens et Musulmans étaient sinon amis, moins parents.
Vers 21 heures chacun des adversaires agrippé au bord du comptoir continuait à boire et évidemment les témoins comptabilisaient les tournées et annonçaient les chiffres à haute voix. Lorsque l’arbitrage afficha la 86e anisette, le gars de la Marine d’Oran s’effondra au pied du comptoir, et son adversaire, dans un geste héroïque, absorba la 87e anisette, annonçant : « A la gloire de Bedeau ! ». La victoire était nette, il dit alors bonsoir à toute l’assistance, sorti du café, arrivé devant la porte de son domicile, manqua la petite marche d’une dizaine de centimètres qui en en marquait le seuil et s’étala de tout son long : il était ivre mort.
Sa famille le porta à l’intérieur, le coucha et devant cet état d’ébriété avancée et même dépassée, téléphona immédiatement au médecin de venir. C’est ainsi que je fus appelé à parcourir les 37 km qui séparaient le Télagh de Bedeau dont environ 15 km de virages dangereux dans la montée de Bossuet. J’arrivais vers 22 heures au domicile du « malade ». Il est évident que l’haleine seule du malade suffisait pour donner le diagnostic, mais je faisais le nécessaire pour éviter toute complication ultérieure. Après les soins, j’interrogeais la famille et c’est ainsi que je fus mis au courant de tous les détails de cet affrontement héroïque. Je me rendais alors au café dont le propriétaire me confirmait toute l’histoire et je visitais le « gars de la Marine » que le cafetier avait eu la précaution de coucher chez lui : là aussi je faisais le nécessaire, et quand tout fut terminé, sans anisette, mais avec un bon café, je réintégrais la maison vers 2 heures du matin, maudissant les concours de ce genre… et leurs conséquences.
Source : Docteur Robert Lachèze
TELAGH : LE DOMAINE “ACHILLE BOUJON”
Une légende familiale voudrait que les BOUJON soient issus de Boson III roi de Provence, couronné à Mantaille vers 844.
Pourquoi pas ! Mais rien à l’heure actuelle ne vient étayer cette hypothèse. Mais qui sait …un jour peut-être !
Pour l’instant, l’ascendance directe arrive à Bedarrides (84) alors que Boson roi de Provence était d’origine Bourguignonne. Mais la Bourgogne d’alors, n’avait sans doute rien à voir avec la Bourgogne actuelle (1).
En 1899, à quarante ans, Jean Evariste dit Thomas BOUJON (1859-1916), définitivement ruiné par la destruction de ses vignes par le black rot, ou pourriture noire (maladie cryptogamique); et sous l’impulsion de sa femme Philippine Louise Henriette Raymond (1859-1919), quitte la France et obtient une concession en Algérie, avec ses quatre enfants : Guillaume, Gabriel, Marthe et Louis, s’installent au Télagh.
Privé de bras et incapable de redresser la barre, alors que d’autres de conditions plus modestes, habitués à lutter font fortune, il abandonne la concession et avec ses plus jeunes enfants, part comme cultivateur à Oujda, ville de la frontière Algéro-Marocaine (2).
Son fils aîné Guillaume dit Achille Boujon (« Chil Bijou », comme l’appelaient les gens du bled), né le 27 janvier 1883 à Arles, Bouches du- Rhône, Provence-Alpes-Côte d’Azur, se met a son compte, et très vite devient en 1926 propriétaire d’un domaine entre le Télagh et Bossuet à 1160 mètres d’altitude. Il se maria et eut trois enfants.
Par décret en date du 23 février 1932 rendu sur la proposition du ministre de l’agriculture et par arrêté en date du même jour, une décoration du Mérite Agricole « Grade de Chevalier » lui a été conférée.
Après expropriation d’une parcelle de terrain de sa propriété pour cause d’utilité publique, une colonie de vacances appelée “Notre Dame des Monts” fut construite; comprenant une piscine et un bâtiment de 41 mètres sur 8 mètres. En 1953-54 elle a reçu plus de 120 enfants.-
Comme son nom l’indique, la zone avec ses points d’eau très importants à coté du fer à cheval, est parsemée de montagnes qui nous donnent l’impression d’être protégées des sautes d’humeur de Dame Nature, de respirer à plein poumon la pureté de l’oxygène qu’elles dégagent et d’admirer la splendeur du paysage qu’offre le sommet du plateau de Dhaya (1455 mètres).“
L’endroit était très beau, au milieu du pré jaillissait une petite source, l’eau fraîche et limpide coulait avec un bon débit.
Dans la journée nous parcourions la magnifique forêt peuplée de pins, de chênes verts, de chênes-lièges, de lentisques, de cerisiers sauvages et de genévriers… Sur notre passage je reconnus des arbousiers aux fruits délicieux, mes camarades ne connaissaient pas cet arbre, papa chasseur me rapportait souvent des arbouses qu’il plaçait dans un grand cornet confectionné avec une feuille de papier.
Lentement la nuit tombait. Après cette torride journée de juillet, la fraîcheur s’élevait, un souffle doux caressait les branches des arbres. Je levais la tête vers le ciel couvert d’étoiles qui brillaient de mille feux, la lune resplendissante illuminait les bois, un charme étrange parcourait la forêt.
En embrassant du regard l’étendue de cette claire obscurité qui m’enveloppait, attendri, j’avais envie de chanter quelque chanson qui me serait venue du cœur …
Dans les environs subsistait une voie romaine pratiquement intacte, c’était pour moi un émerveillement de voir cette route toute pavée avec sur le coté des bornes indicatrices de distance. Je laissais libre court à mon imagination et je voyais un char romain tiré par de splendides chevaux passer à vive allure devant moi.
Plus tard , on construira un centre de vacances en dur avec une piscine , les jeunes eurent la chance d’avoir le confort , mais ils leur manquera le petit côté aventure , celui d’entendre tout près , la nuit , les craquements des arbres et les longs jappements des chacals” (3).-
Durant la guerre d’Algérie, la colonie de vacances et la grande ferme furent entièrement réquisitionnées et occupées par le 1er escadron du 9e régiment blindé de Hussards du secteur de Télagh. Elles faisaient partie des lieux d’incarcération de triste mémoire… .-
(1)- De la terre vers la mer: de Boson à Boujon 25 février 2015
(2)- Geneanet
(3)- Le camp de vacances, Francis Rodriguez (1941-2016),
source……….. B.FEDDAL
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D’ARTICLES DE L’ÉCHO D’ALGER CONCERNANT LA VIE AU TELAGH.2
16 Novembre 1916
Service religieux. — A l’église de la paroisse Saint-Jean, une messe a été célébrée dimanche, pour le repos des âmes de nos chers soldats morts au champ d’honneur. A l’occasion de cette solennité, les populations de Rochambeau et de Tirman s’étaient jointes à celle du Télagh.
La Fête de Sidi-Bouchacor. — Pour la première fois, depuis le début de la guerre, nous avons assisté, le 10 courant, à une fantasia organisée à l’occasion de la fête du marabout Sidi Bouchacor, par M. Amar, conseiller municipal, qui a droit à toutes les félicitations.
Le loyalisme de nos indigènes. — A l’issue du conseil de révision qui a eu lieu lundi 6 courant, à l’infirmerie indigène, un groupe de conscrits a parcouru les rues du village en manifestant leurs sympathies pour la France, drapeaux des Alliés en tête et criant : Vive la France. Cette manifestation a produit ici la meilleure impression.
30 Décembre 1916
Pénurie de sucre, — Nous signalons à M. Qui de droit les quelques abus que se permettent certains commerçants du village. Non contents de majorer le prix du kilo, car on le vend 1 fr. 75, ce qui est contraire à l’arrêté de M. le Préfet, on vous répond qu’il n’y en a pas, ou alors, on veut vous faire une gracieuseté, il faut acheter du café.
A ce sujet, mardi, jour de marché, il s’est produit un grand mécontentement parmi la population indigène, le sucre étant une de leur première consommation. Beaucoup d’entre eux sont repartis dans leur douar sans avoir pu faire l’achat de quelques morceaux de sucre, et les commentaires marchent leur train.
Vol. — M. Chandeysson, minotier, a été victime d’un vol de quatre balles de farine, un sac de blé et plusieurs sacs vides. C’est à l’aide, d’une pince que les malandrins, en fracturant la porte principale, ont pu pénétrer dans le moulin et agir à leur guise. Les auteurs de ce vol sont jusqu’ici inconnus.
20 Février 1917
La course de fond cycliste (110 kilom.) comprend le parcours : Bel-Abbès, Tirman, Le Télagh et retour par la même route (route nouvelle). Départ à 5 heures du matin. Contrôle et arrêt obligatoire de 10 minutes au Télagh.
Le Comité d’organisation ayant voulu, par son initiative généreuse et patriotique, consacrer à l’œuvre des prisonniers de guerre les bénéfices de cette fête sportive, tient à prévenir MM. les athlètes qu’aucune indemnité, soit kilométrique, soit d’hôtel, ne pourra leur être accordée, mais tient à les assurer qu’ils ne regretteront pas leur déplacement, en raison de l’importance et de la beauté des prix qui leur seront attribués. Il sera publié ultérieurement la nomenclature des prix affectés au classement général et à l’athlète ayant réalisé le plus grand nombre de points dans chaque épreuve. Pour tous renseignements complémentaires, s’adresser par lettre à M. Feuillet, directeur des cours de la Bel-Abésienne, 3, rue de Strasbourg, à Bel-Abbès.
08 Mars 1923
Aujourd’hui, à l’occasion de l’arrivée au Télagh du Gouverneur général, grande fête à Rochambeau, Bossuet, Aïn Tindamine, Magenta, Slissen. Partout des arcs de triomphe, de chaleureux souhaits de bienvenue qui attestent la joie des populations de recevoir le Gouverneur. Partout, des branchages, des fleurs, des mairies et des écoles pavoisées.
A l’arrivée du Gouverneur ont lieu les réceptions. Tour à tour, M. Cambon maire, MM. Perret, Martineau et Benadour, délégués financier, remercient le Gouverneur au nom des populations et exposent leurs desiderata. Au déjeuner, offert par la municipalité, le Maire porte un toast à la santé du Gouverneur et de Mme Steeg, puis le conseiller général, M. Renaud, résume les besoins de sa circonscription.
Le Gouverneur répond avec amabilité et promet le plus bienveillant et le plus rapide examen des vœux. Il reçoit le même accueil empressé dans tous les centres. A la nuit tombante, il rentre au Télagh où un diner est offert en son honneur par la municipalité.
04 Mars 1924
Grave accident. — Dimanche soir, M. Cazenave, notre estimé et très sympathique administrateur-adjoint, accompagné de son secrétaire, M. Pastor, revenait en auto de présider une élection à Berthelot, lors qu’arrivé à quelques centaines de mètres du Télagh, voulant éviter une grosse pierre, il donna un fort coup de volant. La route étant détrempée, l’auto fit une grande embardée, et projeta M. Pastor à quelques mètres et se renversa ensuite entièrement sur M. Cazenave qui était pris par le volant. M. Pastor, indemne, aidé de quatre personnes parvint, après de grands efforts à soulever l’auto et à retirer M.Cazenave qui avait une épaule luxée et souffrait dé nombreuses contusions sur tout le corps.
Cet accident, qui par miracle, n’a pas eu une issue fatale, a jeté un gros émoi au Télagh et dans les centres voisins, où notre dévoué administrateur-adjoint jouit d’une grande considération et d’une sincère sympathie,
10 Mars 1924
A L’ « OFFICIEL » L’AGRANDISSEMENT DU TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU TELACH
Paris, 8 mars. — Un décret porte l’autorisation de l’agrandissement du territoire de la commune de plein exercice du Télagh dans le département d’Oran.
14 Mai 1925
Les sports — Les sports renaitraient-ils au Télagh? Grâce à l’initiative de quelques personnes et au concours toujours dévoué de notre sympathique maire, M. Cambon, notre ville possède aujourd’hui une Société qui permet à nos jeunes sportsmen de s’adonner aux plaisirs sains de l’association, de l’athlétisme et du cyclisme.
Nous souhaitons pleine réussite dans la voie qu’il s’est tracée, ne doutant pas que la population Télaghienne, dont nous avons pu apprécier l’esprit sportif, ne vienne récompenser ses efforts.-
Accident.— Un accident, qui aurait pu avoir de plus graves conséquences est arrivé ces jours-ci près du cimetière du Télagh, sur la route de Saïda. L’automobile dans laquelle se trouvait le caïd de Sefioun, commune mixte du Télagh, revenait du Télagh, lorsqu’à proximité du pont de l’oued Bouzoulaï, elle fit une embardée et vint s’écraser dans le fossé. Le chauffeur fut projeté hors de la machine avec quelques contusions, tandis que le caïd se relevait avec une grave blessure au cou, occasionnée par les débris du pare-brise. Les blessés furent aussitôt transportés à l’infirmerie du Télagh, où le docteur Colonna de Leca, mandé en toute hâte, leur prodigua les soins nécessitant leur état.-
Le temps.— Une pluie bienfaisante est tombée cette nuit, à la satisfaction de tous nos colons.
22 Mai 1925
Au Conseil municipal. — Le Conseil municipal s’est réuni dimanche dernier à 9 heures dans la salle des délibérations de la mairie, sous la présidence de M. Constant Désiré, doyen d’âge. Après avoir installé dans leurs fonctions les nouveaux conseillers élus le 3 mai, l’assemblée procède à l’élection du maire et de l’adjoint. Sont élus : M. Cambon, maire, 20 voix et 1 bulletin blanc; M. Michel, 1er adjoint. 20 voix et 1 bulletin blanc. Aussitôt M. Cambon se lève et en une allocution improvisée remercie ses collègues de la confiance qui lui ont témoignée et de l’honneur qu’ils lui faisaient, en le rappelant une deuxième fois à la tête de la commune.
Dans un court exposé il leur fait connaître les nombreuses questions que le Conseil aura à traiter et les assure de tout son dévouement à la chose publique et à la réalisation de tous les projets qui intéressent l’avenir et la prospérité du Télagh. Puis M. Michel, 1er adjoint, remercie à son tour ses collègues de la marque de sympathie dont il est l’objet.
Un apéritif réunit tous les- élus dans la salle du Café de France où la plus franche cordialité n’a cessé de régner.
Le soir, un grand bal était offert à la population sous le hall du marché couvert.
Nombreux furent les fervents disciples de Terpsichore qui s’en donnèrent à cœur-joie jusqu’à une heure avancée de la nuit aux sons de l’excellente musique des cheminots de Sidi-Bel-Abbès.
De passage. — En tournée d’inspection, M. le Colonel Prince, de l’Etat-major particulier du génie allant à Bossuet et Bedeau visiter les casernements.
— Un apéritif d’adieu était offert, jeudi, au Grand Café de France, à MM. Fauré, ingénieur adjoint des ponts et chaussées nommé à Alger et Schmitter, vérificateur des contributions diverses muté à Oran.
M. Cambon exprima ses regrets de voir partir ces deux fonctionnaires qui jouissaient dans notre centre de l’estime et de la considération de tous. Nous renouvelons à MM. Fauré et Schmitter nos vœux de bonne chance dans leur nouvelle résidence.-
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FAUNE DES HAUTS PLATEAUX
Mais ici on ne trouve plus guère que des sangliers, surtout dans les parties boisées, le chacal et l’hyène au train de derrière surbaissé. Citons encore, parmi les animaux que l’on rencontre sur ce territoire, en dehors de ceux qui sont élevés par la culture et dont nous nous occuperons plus loin : la gazelle, le renard, la gerboise, le rat, le hérisson, le lièvre, etc.
Les oiseaux sont très nombreux et d’espèces variées, trouvant leur place dans nos jardins, nos champs, nos bois. Plusieurs sont comestibles, comme la perdrix rouge, la caille, la tourterelle, le pigeon ramier, la grive, le vanneau, le pluvier, et, dans certaines parties, la bécasse, la bécassine, la poule d’eau ; mais il faut déjà aller loin pour trouver du gibier, et si l’on ne sévit contre les abus des braconniers, on verra bientôt diminuer cette importante ressource, si utile à l’alimentation publique.
Nous ne pouvons omettre de signaler parmi les nombreux oiseaux que nous apercevons tous les jours, dont quelques-uns nous servent d’auxiliaires dans nos luttes contre les insectes nuisibles, ou nous récréent par leurs chants variés, tandis que d’autres cherchent à tromper la surveillance que nous exerçons sur nos récoltes et nos basses-cours, ou débarrassent le sol des corps morts déposés par imprudence à sa surface :
le chardonneret, le serin des champs, le verdier, le rossignol, l’hirondelle, le pinson, la linotte, la bergeronnette, quelques becs fins, le moineau l’alouette commune, le gros bec, la calandre, le merle, le ganga, l’étourneau qui, à certaines époques, s’abat sur nos oliviers, le coucou, le geai, le corbeau, la chouette, le hibou, l’émouchet, le milan, le vautour, l’aigle, et la cigogne dont quelques couples viennent pendant l’hiver faire leurs nids sur nos toits.
Parmi les reptiles, mentionnons de nombreuses couleuvres dont on n’a rien à craindre et quelques aspics et vipères, des lézards petits et grands, notamment le lézard vert, la tarente, le caméléon, les variétés de tortues d’eau et de terre, les crapauds et les grenouilles ; et parmi les insectes : plusieurs espèces d’arachnides, la tarentule, les scorpions, si nombreux dans le passé ;
la sauterelle ordinaire, le criquet voyageur qui dévaste la contrée au moment de certaines invasions, quelques insectes parasites, le moustique, l’abeille, le kermès, et enfin de nombreuses variétés d’insectes et quelques papillons qui, pour la plupart, se retrouvent dans l’Europe méridionale. Ajoutons que les sangsues peuplent les marécages, et quelques sources.-
LA DERNIÈRE PANTHÈRE DE ROCHAMBEAU
JADIS, LA PANTHÈRE ÉTAIT LARGEMENT RÉPANDUE DANS LA RÉGION DU TELAGH
La bête triomphe; elle est l’aliment obligé de toutes les conversations. A déjeuner, les narrateurs vous servent le lion; la panthère est réservée pour le dîner, et à la légère collation on se contente de l’hyène (1).
CHASSE FRUCTUEUSE
La journée du samedi 22 Mars 1890, deux Espagnols qui allaient à la chasse au sanglier, ont tué une magnifique panthère, dans le massif boisé qui se trouve entre Slissen et le Télagh.
Le fauve n’a pu être abattu qu’après avoir tué cinq chiens.
La bête a été promenée en ville dans la journée de dimanche, puis vendue par les heureux chasseurs, qui ont, en outre, touché une prime de 100 francs (2).
AU COURS D’UNE BATTUE, UN INDIGÈNE ABAT UNE PANTHÈRE, MAIS EST GRIÈVEMENT BLESSE PAR LE FAUVE
Le Journal a signalé le 14 avril 1906, l’apparition de panthères dans la région de Tlemcen, Lamoricière et Oued Chouly. Voici que ces fauves viennent de faire maintenant leur apparition au Télagh.
Depuis quelque temps, en effet, des panthères semaient la terreur et la destruction dans les nombreux troupeaux des douars de Tadjemont, commune mixte du Télagh.
Ces jours derniers, les indigènes ayant aperçu trois de ces animaux, décidèrent une battue, qui fut couronnée de succès. Un des fauves put être traqué, cerné et tiré à bonne distance.
Mais la maladresse des Arabes, est connue; aussi, après une décharge générale, l’animal atteint de douze balles et blessé seulement, bondit, furieux, sur un des chasseurs qui fut renversé et eut la moitié de l’épaule emportée d’un coup de patte. Heureusement pour lui, il fit preuve d’un grand sang-froid et déchargea son arme dans la gueule de l’animal, au moment où celui-ci se préparait à l’achever. La bête tomba raide morte. Son corps a été transporté aux bureaux de l’administration communale, où toute la journée beaucoup de curieux sont venus le voir. C’est un des plus beaux spécimens de l’espèce.
Les indigènes ont touché une prime de cent francs et celui qui a été blessé, et qui est soigné à l’infirmerie indigène, a obtenu en outre l’autorisation de détenir un fusil.
D’autres battues seront organisées pour débarrasser la région de ces hôtes peu commodes (3).
LA DERNIÈRE PANTHÈRE DE ROCHAMBEAU
Sur les hauts plateaux oranais à 4 Kms au Nord-Ouest de Le Télagh, sur la route de Chanzy, existait une petite agglomération, le petit village de Rochambeau.
Ce village était remarquable par sa verdure, ses jardins, son style, la grande quantité de ses arbres et aussi la par la qualité de ses habitants: en effet, presque tous étaient originaires de l’Ariège, commeles Mirouze, les Coste, les Faure, les Cavé, les Loubière, etc.… sauf une famille qui, elle, était originaire de la Corrèze: les Pestourie.
En somme quand on arrivait dans ce village, on avait l’impression de pénétrer soit à Saint-Girons, soit à Palmiers, soit à Foix mais certainement pas en Algérie à quelques Kms du Télagh.
Même l’église avait été bâtie de la même manière que dans l’Ariège, et lorsque le dimanche, vous pénétriez dans l’église de Rochambeau, au moment de la grande messe, encore en 1946, vous étiez surpris de constater combien étaient nombreuses les femmes qui portaient la coiffe Ariégeoise.
Pendant la guerre 1934-1945, une famille de Rochambeau avait l’habitude de recevoir pendant les grandes vacances d’été, trois jeunes filles de Sidi Bel-Abbes, accompagnées de leur grand-mère qui retrouvait ainsi de vieux et fidèles amis, petits propriétaires terriens de cette agglomération.
Pour ces trois gamines, pensionnaires en ville pendant l’année scolaire, les longues journées se passaient dans les champs entourant le village, accompagnées des deux petites filles de ces vieux propriétaires terriens.
La nuit venue, lorsque la suspension à pétrole de la salle à manger était allumée, tout ce petit monde se réunissait autour de la grande table et commentait les événements de la journée: pour les jeunes il s’agissait de jeux et de projets, pour les plus âgés c’était les nouvelles de la guerre.
Le repas terminé, les chaises étaient sorties devant la porte et les conversations se poursuivaient le long du mur de la maison, face à la rue jusqu’à une certaine heure: « on prenait le frais ». Puis lorsque le vide se faisait dans le village, tout le monde rentrait se coucher, et après avoir rentré les chaises, verrouillé la porte d’entrée, tous gravissait l’escalier qui menait au premier étage: les aînés dans leur chambres respectives, les jeunes dans leur grand dortoir dans lequel après avoir éteint la lampe, les murmures et les rires se poursuivaient.
Il faut préciser qu’à Rochambeau, il existait déjà un service de ramassage des ordures ménagères qui fonctionnait le matin très tôt, les habitants ayant pris l’habitude de laisser leurs poubelles, ou ce qui en tenait lieu, sur le trottoir en face de la porte d’entrée.
Depuis quelques temps, les éboueurs du village se plaignaient de trouver, au moment du ramassage, les poubelles renversées et leur contenu répandu sur le sol. On pensait que c’était les chiens, car dans chaque famille, il existait de nombreux chiens de chasse.
Ce soir là, parmi les jeunes filles, une seule ne dormait pas et ayant entre-ouvert la fenêtre, prenait le frais. Subitement, son attention fut attirée par une sorte de chat énorme qui fouillait la boite à ordures et y cherchait sa pitance. La lueur de la lune aidant, elle reconnut une panthère analogue à celles qu’elle avait eu l’occasion de voir au Cirque Amar à Sidi Bel-Abbes. Alors se sachant à l’abri sur le balcon du 1er étage, dans le silence, les chiens n’aboyant pas, elle s’adressa doucement à la panthère et lui dit: « Bonsoir, jolie panthère, tu es bien jolie, mais sauves toi vite car les éboueurs vont arriver et ils vont te chasser ». La panthère leva la tête, regarda la gamine de ses grands yeux lumineux, sans aune frayeur, emporta ce qu’elle avait trouvé et silencieusement, comme un gros chat, reprit la route des champs et disparut. … mais elle ne revint jamais plus.
Le lendemain matin, au petit déjeuner, la gamine raconta son aventure aussi bien à ses sœurs, qu’a ses petites amies, ainsi qu’aux personnes âgées. Personne ne la crut, lui rétorquant qu’elle avait fait des cauchemars, qu’elle avait trop d’imagination. Mais le bruit se répandit dans le village et chacun donnait son avis: certains se croyant bien informés disaient qu’il y avait bien longtemps qu’il n’y avait plus de panthères dans la région, les autres, les chasseurs prétendaient qu’ils l’auraient su ou bien même l’auraient aperçu. Il y eut même des plaisanteries auxquelles la jeune fille ne pouvait répondre; évidemment personne ne semblait la croire, même son entourage… jusqu’au jour ou sur la route de Chanzy, alors que les chariots transportant les sacs de blé à la coopérative de Bel-Abbes, traversant la foret à proximité de Rochambeau, un des gardes du chariot de tête aperçu sur une branche surplombant la route, dans la lueur naissante de l’aurore, un fauve qui s’apprêtait à bondir sur la bête de tête du chariot; prenant son fusil, chargé à chevrotine, destiné au voleurs, il tira sur ce qu’il prenait pour un gros lynx.
Il tua la bête et fut surpris, comme les autres conducteurs du charroi, de reconnaître une panthère.
Cet événement eut un grand retentissement dans la région.
Alors les langues se délièrent: parmi les chasseurs, certains reconnurent qu’effectivement ils avaient aperçu le fauve, qu’ils en avaient eu peur mais qu’ils n’en avaient rien dit de crainte de passer pour des froussards; même chez les indigènes, beaucoup s’étaient plaint aux gardes-champêtres de la disparition d’une ou deux bêtes dans leur troupeau de moutons et devant le silence de leurs bergers, avaient accusé leurs voisins de ces larcins et entamé une « Chicaïa ». D’ailleurs, encore en 1960, dans cette région, lorsqu’un enfant n’était pas sage tant dans une famille européenne que dans une famille musulmane, la grand-mère ou la mère de l’enfant, pour le calmer, le menaçait soit de la panthère, soit de la « nemeur »(4).-
(1)- Benjamin Gastineau
(2)- L’Indépendant de Mascara du Dimanche 23 Mars 1890.
(3)- Le Journal du 27 avril 1906
(4)- Docteur Robert Lacheze
TELAGH : UN LÉGIONNAIRE DÉVORÉ PAR UN LION
Sous ce titre: Lutte avec une bête féroce, L’Akhbar d’Alger rapporte le fait suivant:
Le 1er juillet 1861, deux compagnies du 2e bataillon du 2e régiment étranger, reçurent l’ordre de quitter Bel-Abbès pour aller tenir garnison à Dhaya. Il y a deux gîtes d’étapes entre ces localités : la Ténira et l’oued Télagh.
Dans la matinée du 2 juillet, le détachement quitta la Ténira vers quatre heures et arriva sur le coup de sept heures à un cours d’eau appelé Tralimet. Là, le capitaine Abrial, qui commandait le détachement, fit l’appel des hommes qui le composaient et constata l’absence du fusilier Redon. Cependant il était certain que ce militaire marchait aux premières heures avec sa compagnie, et l’arrière-garde ne l’avait pas vu en dehors de la colonne.
Aussitôt deux caporaux furent envoyés en arrière à la recherche du manquant ; mais ce fut peine perdue, quoi qu’ils eussent rétrogradé près de deux lieues. Comme Redon était un bon soldat, le capitaine pensa que, s’étant un peu écarté de la route, il s’était probablement égaré, et que dans ce cas, il retournerait à Sidi-Bel-Abbès. A son arrivé à Dhaya, il rendit compte à ses supérieurs de la disparition de ce fusilier.
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis sans qu’on eût entendu parler de Redon, lorsque, le 13 juillet, douze hommes arrivèrent de Bel-Abbès à Dhaya, sous la conduite d’un caporal. Celui-ci se rendit aussitôt près du capitaine Abrial, et lui raconta que la veille, étant parti à quatre heures du matin pour gagner le Télagh, il s’était, à moitié chemin de la Ténira au Tralimet, écarté de la route pour s’élancer à la poursuite d’une troupe de lapins qu’il avait vus.
A environ 400 mètres à gauche de la route, il vit un lambeau de chemise ensanglantée et passa outre. Il avait à peine fait quelques pas qu’il trouvait une ceinture de flanelle toute pleine de sang. Ce dernier objet laissait voir un numéro matricule que le caporal enleva avec soin pour constater sa découverte. Ce numéro était celui du fusilier Redon. Un peu plus loin il ramassait une cravate militaire, et, contre une broussaille, il trouvait le fusil de munition de ce soldat.
L’examen de cette pièce démontra qu’on avait dû tirer au moins dix coups, et révéla, par les taches de sang qui en couvraient le canon, qu’il avait été serré par une main ensanglantée qui voulait se défendre en frappant avec la crosse.
Le lendemain, M. le capitaine Abrial et M. le lieutenant Ménard de Chauglonne, chef du bureau arabe, se rendirent au lieu indiqué, accompagnés d’une vingtaine d’Arabes, et y trouvèrent une chemise en lambeaux, un fragment de cravate, la veste de Redon entière, une ceinture de flanelle, une mâchoire inférieure, brisée en trois morceaux qui, rapprochés, se joignaient parfaitement; elle était entièrement dénudée. On trouva encore cinq fragments de crâne humain et une guêtre de toile.
L’endroit où furent recueillis ces objets est à environ 6 kilomètres au sud de la Ténira et à 400 mètres en dehors de la route. Tout près du lieu où avait été trouvé le fusil de Redon, il y avait une mare de sang qui a pénétré le sol de 7 à 8 centimètres de profondeur : le terrain labouré et gratté indique que là il y a eu lutte suprême, et qu’un cadavre sanglant a dû y séjourner.
Toutes les circonstances qui ont été remarquées établissent la conviction que la mort de Redon n’est point le résultat d’un assassinat ou d’un suicide. Il s’était éloigné pour tuer quelques lapins lorsqu’il aura été attaqué par une bête féroce ; l’inspection de son fusil témoigne d’une lutte désespérée : l’extrémité supérieure de la baguette et du canon est tachée de sang. Ce sang coulant de haut en bas sur le canon, l’homme devait se servir de la crosse de son fusil comme d’un assommoir.
Près de la crosse, on distingue encore des gouttes de sang et une ligne courbe de sang arrêtée par la main. Ce sang devait provenir de la figure de l’homme et tomber de là sur le fusil. Le fût de la crosse porte des traces de grilles et le canon des éraillures. –
Le chef de service à l’ambulance de Dhaya a fait un examen minutieux de toutes les pièces recueillies, et il a cru pouvoir conclure que Redon ayant été attaqué par une bête féroce et blessé à la figure, s’est servi de la crosse de son fusil pour se défendre , puis, ayant abandonné son arme pour fuir plus vite, il a reçu par derrière, sur l’épaule droite, un coup de griffe qui l’a renversé. La bête lui aura saisi la nuque dans la gueule, et il est tombé sur le dos pour ne plus faire de mouvement: les parties antérieures de ses vêtements ne présentent pas de trace de sang. Probablement la bête féroce qui l’a terrassé lui aura broyé la tête, puis aura abandonné le cadavre que les hyènes et les chacals se sont ensuite disputé.
A l’endroit où ont été trouvés les restes de Redon, un petit ravin court parallèlement à la route. Ce ravin est bordé de lentisques très épais et formant haie. Redon y sera descendu pour chercher de l’eau et se sera trouvé en face d’un lion sur lequel il aura eu l’imprudence de tirer. Il se sera ensuite défendu avec la crosse de son fusil, puis, se voyant perdu, il a cherché à fuir à travers les lentisques. Comme son arme le gênait pour passer, il l’a abandonnée. En sortant des lentisques, il a dû se retrouver en face du lion qui, d’un bond avait franchi la haie. La mare de sang dont nous avons parlé plus haut démontre que la dernière lutte a eu lieu là où elle a été formée.
A l’époque où est arrivé cet affreux accident, un lion a été vu dans ces parages par un Espagnol et un militaire qui suivaient la route de Bel-Abbès à Dhaya.
– Source: L’Akhbar d’Alger 1861
source………….. B.FEDDAL
FILLOL ALBAN ROBERT, RECEVEUR ET POÈTE
Receveur des contributions diverses au Télagh. Né le 22 mars 1913 à Agen (Lot et Garonne), arrivé le 15 octobre 1935 au Télagh comme stagiaire et repart le 1er novembre 1938 pour y revenir comme receveur le 20 Novembre 1942.
Président de la fédération nationale d’action catholique. Grace à son impulsion, un clocher de 21 mètres à l’église Saint-Jean Baptiste a été construit. L’apport gratuit de matériaux de construction a permis l’aménagement du stade et de la salle d’œuvre Charles de Foucauld, la construction de la colonie de vacances de Notre Dame des Monts, elle comprend une piscine et un bâtiment de 41 mètres sur 8 mètres à 1160 mètres d’altitude. En 1953-54 elle a reçu plus de 120 enfants (1).
Marié le 24 Avril 1937 à Sidi Bel Abbes à Mlle Almira Thérèse.
« Madame Fillol (l’épouse du receveur des impôts) nous faisait répéter chez elle, au son du piano. La représentation se faisait au marché couvert qui servait de salle des fêtes quand il faisait froid
Il paraît que j’étais douée, madame Fillol avait conseillé à maman de m’inscrire au conservatoire, pensez ! Une fille théâtreuse, quel scandale ! Tant pis. Maintenant c’est moi qui m’occupe d’un atelier théâtre enfants et adultes, je crois en souvenir de ces dames. Merci à elles, qui se sont consacrées aux enfants et aux jeunes du Télagh » (2).
Alban-Robert Fillol fut, pendant un quart de siècle, receveur des contributions au Télagh; et les parents de Mme Fillol reposent à Bel-Abbes, prés d’un fils qu’ils ont perdu.
Le fonctionnaire n’a jamais étouffé, chez A.R.Fillol le virus de poésie qu’il a toujours cultivé depuis le lycée: Dans ces poèmes, l’auteur a, selon sa propre expression « calibré » les couleurs des êtres, des sentiments, de l’environnement. Et lorsque l’environnement s’appele les grandes cathédrales de Cologne, Paris,Chartres, et aussi les petites églises du Télagh ou de Toulouges dont l’auteur a été ou est le paroissien fidèle , alors les vitraux, au-delà de leur valeur se spiritualisent et deviennent « vitraux d’âmes » (3)
« Vitrail d’Âmes », titre original dont l’auteur nous donne lui-même l’explication: L’un de mes plus grands plaisirs fut dans la contemplation des vitraux : ces compositions décoratives, rendues vivantes par la lumière, avec leurs multiples coloris, dits « calibres », apportaient à mes yeux un supplément de vérité, comme si leur illumination ajoutait au figuratif la spiritualité indispensable.
A.R.Fillol, qui s’évertue à rassembler les poètes basques et landais, se fait le champion à la fois des formes fixes et du vers libéré. Son « Prunier fleuri » se veut un arbre de liberté.
Après « Mes vingt ans… Le prunier Fleuri, Pétales D’Hortensias et Vitrail D’Âmes », « Ah. L’Animal » est son 5è recueil de poésies, qui est une vraie récréation pour les lecteurs.
A.R. Fillol occupe sa retraite à animer des clubs de poésies. Il a fondé le « Club des poètes Basco-Landais » le cercle des poètes de l’Adour, dirigé pendant quatre ans, La Délégation d’Aquitaine de la Société des Poètes et Artistes de France (1974-1978)… Puis installé en Roussillon, il participe aux activités du « Jardin des Poètes de Perpignan » et anecdote, il est le poète attiré du Club des Aînés de Toulouges…(4).
Ceux qui connaissent Alban-Robert Fillol apprécient sa façon de vivre sa poésie. Et ceux qui ne le connaissent pas ? me direz-vous. Eh bien, ceux-là n’ont plus aucune minute à perdre : qu’ils soient les premiers à lire « Ah ! l’animal » (5).
Inspecteur principal, puis receveur au Telagh de 1942 à 1962 … Apres Anglet il se retire à Toulouges.- …………………………………………………………………………………….. B.FEDDAL
SOUVENIRS DE ALBAN-ROBERT FILLOL·
LE TELAGH
En décembre 1973, dans L’Écho de l’Oranie n°94, Alban-Robert Fillol évoquait le souvenir de ses belles années au Télagh…
Depuis que je lis « l’Echo de l’Oranie » comme vous, je suis le défilé des pages de tête en attendant qu’y apparaisse une photo du village, devenu bourg, chef-lieu de canton puis sous-préfecture, à 50 km au sud de Sidi-Bel-Abbès, au pied des monts de Daya, non loin des houles verdâtres de la mer d’alfa: Je veux parler du Télagh. Car, si Je n’y suis pas né, Je m’y suis épanoui. Jeune contrôleur des Contributions diverses de 22 ans en 1935, mon fils y naquit en 1938 et j’y vécus ma lune de miel à l’ombre de la Cave coopérative fleurant le vin de qualité, près d’une vaste place servant de marché aux bestiaux le dimanche. Après quatre années d’absence, marquées par la perte de notre enfant, la guerre et deux ans à Oran comme Inspecteur- vérificateur du service, Je décidai d’y revenir comme receveur, succédant à M. Carrasco, muté à Tlemcen.
– Vous allez vous enterrer dans ce bled I me disaient les amis de la Direction.
Vous croyez ! C’est plutôt vous qui demeurerez esclaves de la ville, de ses bruits, de ses pollutions, de ses intrigues ; moi, Je pars, au grand air pur des Hauts-Plateaux, au milieu des braves gens que j’ai appris à connaitre et à aimer ; avec eux, je tâcherai d’accomplir, en même temps que ma mission de receveur-payeur, des réalisations pour le bonheur de tous.
Ainsi, pendant vingt ans, de 1942 à 1962, je représentai l’Administration la plus impopulaire, devenant cependant, les jours de paie des personnels et des pensionnés, le « boula » et le « rhouia » , termes me reposant de l’appellation quelque peu froide de « doumin kebir ». Sous tous les régimes, face à toutes les zizanies de la politique et de la rébellion, je suis resté libre, n’ayant en vue que le service de chacun.
Avec les hommes de bonne volonté de la région, et ils sont plus nombreux qu’on ne croit sous tous les terroirs s’ils distinguent clairement les buts poursuivis-, nous avons, ensemble, embelli notre cité par un magnifique clocher de 21 m à l’église St-Jean-Baptiste, aujourd’hui mosquée; par un stade olympique et surtout par cette Colonie de Notre-Dame des Monts d’Oranie, qui reçut à plusieurs reprises de 120 à 150 enfants, dans un cadre unique, à 1.160 m d’altitude; vous qui êtes aujourd’hui pères et mères de famille, les Cambon, Urios, Villegas, Sirvent, Touat!, Lagune, Pujalte, Ramon, Galendo, Manage, CastelIon et tant d’autres, souvenez-vous des merveilleuses vacances passées là-haut en promenades en forêts, baignades dans la splendide piscine, fêtes avec le bon Père Escolano, qui sut adapter les vitraux de l’ancienne église d’Hammam-Bou-Hadjar à la chapelle: car il ne manquait rien à cette réalisation (41 m x 8 m) couverte de 10.000 tuiles, due à la générosité de M. Boujon Achille, inspiré lors du passage sur la route voisine de la statue de Notre-Dame de Santa-Cruz, en 1949, et qui servit de point stratégique à !’Armée après 1956. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? ? ? Le souvenir d’une bonne action … , le témoignage de ce que peut le levain dans la pâte humaine, la beauté de l’effort gratuit d’une civilisation?
Que la vie était agréable dans cette petite ville du Télagh ! L’on y vit passer tous les spécimens de la société, défiler toutes les idéologies, flamber toutes les passions de cœur et d’esprit, et Il faisait bon y faire preuve de générosité car la contagion était immédiate. Cette région montagneuse de l’ancienne commune mixte du Télagh, comprenant ensuite 21 communes de plein exercice, je l’ai parcourue à cheval, jeune contrôleur en tournée de perception, partageant la vie des musulmans hospitaliers et fidèles, nullement disposés à nous abandonner si Colombey n’avait persisté à sonner le glas de ses deux clochers ! Ah ! ces parties de pêche à l’oued Séfioun, de chasse à la ganga sur El-Gor, au perdreau et au lièvre à Tindamine, Slissen et Mouilah, au sanglier sur Zégla et Taourira, au lapin et à l’outarde, voire à la gazelle, dans les alfas d’EI-Hammam ou Crampe! 1 Même du ski à Bossuet, très souvent l’hiver ! Autant de souvenirs paradisiaques ponctués de méchouis au Trou-duCuré ou dans la forêt de Sllssen, dont la navette dans la rue d’Arzew n’a pu donner la moindre idée …
– Vous allez vous enterrer l disaient mes collègues oranais …
– Non ! Amis, au contact de la nature, des gens et des bêtes qui y vivent on ne saurait penser à la mort !
Depuis notre repli dans la forêt de Chiberta, à Anglet, Je relis les notes d’antan, les querelles électorales des pro et anticambonistes, les chants des nuits de Noël au marché avec nos bons curés Filliard et Cruchon, les contes du Père Mathieu ou de Tatave, j’évoque la moustache du fidèle Defrance, les frasques de Q … de Q … , la liste • ménagère • de certain tournoir municipal, les capiteux parfums de la S.I.P. et de la Cave coopérative, les ombres fraiches du bosquet et des jardins de la sous-préfecture, les colchiques et asphodèles des pentes, la Territoriale que j’ai dirigée, la fête du 11 mai, prélude du 13 mal 1958, les militaires du contingent et les vingt mariages contractés avec les belles Télaghiennes à la vertu farouche, le capitaine Verde!, et Marie la Cigogne, et Tedjini, le champion de football, et Bami, le cafetier, et tant d’autres, dans une discrète odeur d’anisette …
Et j’essaie, de tous ces souvenirs, de recréer dans mes recueils de poèmes (Le Prunier fleuri, Pétales d’hortensias), ces temps heureux de ma vie en attendant d’éditer un ensemble de Nouvelles où je ferai revivre tous les personnages si attachants qui ont marqué notre Imagination, avant l’orage de 1962 qui a vidé le Télagh.
Au creux de la première pierre du clocher, dans un tube de carton, dorment les noms de Ballester et Fillol, attestant que le minaret d’aujourd’hui est issu de la foi en Jésus Christ, au temps où l’Algérie était encore Terre Française.
FILLOL.
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UN VILLAGE, UNE HISTOIRE : ROCHAMBEAU, MEZAOUROU
Ce village s’appelait précédemment Aïn EI Hmmar (Source de l’âne). La légende locale dit que la source d’eau qui coule jusqu’à nos jours, est découverte par les sabots d’un âne assoiffé par la chaleur.
Par arrêté en date du 15 juillet 1897, le centre de colonisation a reçu la dénomination de Rochambeau en hommage à Jean-Baptiste de Vimeur, comte de Rochambeau, Maréchal de France (Vendôme 1725-Thoré 1807).
Le 27 février 1963 rebaptisé en Mézaourou (mot berbère veut dire: Terre basse).
Peuplé par des gens venus de Savoie, d’Ariège, du Tarn et de Corrèze. Ils étaient 545, en 1933.
L’adjoint spécial était Alphonse Cazenave. En 1954, 211 Européens au milieu de 3150 Musulmans. Le maire s’appellait Claciregui Albert.
Situé à 800 mètres d’altitude, sur un plateau ondulé, il fait partie de la commune mixte du Télagh, la route de Chanzy au Télagh le traverse. II n’est distant que de 6 kilomètres du Télagh, bureau télégraphique, où réside l’administrateur de la commune mixte, ainsi que le juge de paix, et où se tient le mardi un marché important.
La gare la plus rapprochée est celle de Chanzy, à 20 kilomètres, sur la ligne de Tlélat à Crampel.
1905: 1619 hectares distraits de la forêt de Toumiet, pour l’agrandissement du village.
Le centre fut érigé en commune de plein exercice le 28 novembre 1948.
Au point de vue religieux, c’est une annexe de la paroisse de Tirman. En l923, il n’y a qu’une salle comme lieu de culte, mais en l932, quand Durand revient dans ce charmant village, il procède à la bénédiction d’une jolie église dont le promoteur avait été l’abbé Combes, alors curé du Télagh. Cette annexe regroupait 250 chrétiens mais en l’absence d’un prêtre sur place, les Enfants de Marie animaient cette communauté.
Le centre fut érigé en commune de plein exercice le 28 novembre 1948.
La superficie totale du village était de 3.380 hectares.
Chaque concession comprend 35 à 40 hectares, répartis entre un lot urbain de 8 ares, un lot de jardin de 30 ares, un lot de petite culture de 3 ares et un lot de grande culture de 35 hectares environ.
Des communaux de 410 hectares sont réservés pour le pacage du bétail des concessionnaires.
Le pays convient à la culture du blé et de l’orge, ainsi qu’au jardinage. On s’y livre au commerce des céréales, de l’écorce à tan, de l’alfa, du charbon et du bétail.
Sur les 73 concessions de ce centre, 17 ont été attribuées à des Algériens, 44 à des immigrants et 12 ont été réservées pour l’avenir.
Les noms des 44 colons immigrants avec l’indication de leur lieu d’origine:
Noms et prénoms Lieu d’origine
Mesctou (Urbain-Joseph). La Blachére (Ardeche).
Suchon (Jean-Pierre). Montpezat
Faure (François). Ustou (Ariège).
Sentenac (Jean-L.-Maurice) Soulan –
Dupuy (Pierre). Lilartein –
Bareille (Jérome). Lilartein –
St-Sernin (Jean-Maximain). Buzan –
Authiier (Pierre). Savignac –
Pujol (Joseph). Sentenac-d’Oust (Ariège).
Gabignaud (Alesandre). Campagne (Aude).
Bou (Pierre). Lestrade-Thouch (Avey.).
Cabautous (Aug.-Pierre). Valady –
Turies (Louis-Auguste). Saint-Izaire –
Bonhomme (Jean-Marie). Allanchi (Cantal).
Rougerie (Baptiste). Saint-Angel(Corrèze).
Ciambelli (Antoine-Joseph; Bocognano (Corse).
Cunéo (Louis-Napoléon). Volpajota –
Romaneki (J.-Mich.-Nic.). Calcaloggio –
Casalta (Joseph). Renno –
Fieschi (Louis). Renno –
Chabaud (Pierre-François). Alais (Gard).
Redon (.Marie-Ciaude,). Monteils (Gard).
Guibert (Auguste). La Fare (Htes-Alpes).
Lagier (Joseph-Théoph.). Montgardin –
Marin (Auguste-François). Montrond –
Lombard (Sylvain-Sérap.). Montrond –
Rambaud (Ferdinand). Saint-Firmin
Roux (Jean-Aug.-Victor). Aspres-Ies Corps (H.-AIp.)
Baup (Casimir-Pierre). Aspres-les-Corps –
Desguers (Gust.-Jean-Fr). Cordéac (Isère).
Bouthous (Edouard-Aug.). Côtes-des-Corps (Isère).
Escoffier (Jean-Baptiste). St-Romain-de-Jalcons –
Ygon (Isidore). Prévenchères (Lozère).
Fages. Saint-Georges-de-Lévejac (Lozère).
Bedet (Léon-Alexandre). Chantecoq (Marne).
Counillon (Michel). Langeron (Nièvre).
Robillard (Prudent-Ed.). Morienval (Oise).
Pueche Charles-Augustin). Alban (Tarn).
Boyer (Jean-Jacques). Mazamet (Tarn).
Azaïs (Jean). Mazamet –
Dougados (Henry). Mazamet –
Reynard (Alesis). Lagues (Vaucluse).
Michel (Félix-Adrien). Lagues –
Perdriguier (Alb.-J.-Pierre) St-Sat.-d’Avignon (Vaucl.).
Ces concessionnaires ont justifié de la possession d’un capital de 600.000 francs, dont 154.000
francs en espèces, 392.000 francs en immeubles francs de toute charge hypothécaire, et le reste en matériel agricole.
………………………………………………………………………………………
UN VILLAGE, UNE HISTOIRE: TRALIMET, TIRMAN, TEGHALIMET
Tirman se trouve sur la route nationale n° 13 allant à Bedeau et à 700 m d’altitude.
A 11 km du Télagh, il a été inscrit au programme de colonisation de 1881 avec 20 lots de cultures et 10 lots industriels. En 1864, une ferme existe déjà : il y avait une maison et deux Européens. Le village est créé en 1901 et ce sont des colons venus des provinces les plus chrétiennes de France qui le peuplent.
Auparavant, ce lieu s’appelait Tralimet, nom berbère: roseaux.
On note des agrandissements successifs en 1906,1926. En 1946, il y a 369 Européens et 2045 Musulmans. ll a pris le nom du Gouverneur général de l’Algérie, Louis Tirman, Conseiller d’Etat, nommé à ce poste le 26 novembre 1881. Ce gouverneur général a prononcé, un jour, une phrase célèbre et évidente, parole qui énonce un facteur essentiel de la vie économique : « L’eau est la première richesse d’un pays comme l’Algérie ». Une société capitaliste protestante devait y fonder un village coopératif dans ce pays salubre où l’eau est suffisante, les terres légères.
Les maires ont été : MM. Geoffoy, Prudon, Jules Pétrequin, Henri Puech, Robert Batty, en 1933 Félicien Bernard, en 1945 Emile Faure, Renaud Adrien, en 1953 Jean Pastor.
Par décret du 7 avril 1905, la partie du centre de Tirman, d’une superficie de 1.726 hectares 50 ares, qui dépendait de la commune de Ténira, a été distraite de cette commune pour être rattachée à la commune mixte du Telagh. Ce rattachement a été lui même opéré par un arrêté du Gouverneur général en date du 23 avril 1905.
Si l’église n’a été construite qu’en 1922 et bénite sous le vocable de Saint Pierre et Sainte Jeanne d’Arc, la paroisse n’est érigée que le 22 septembre 1952. Dépendant autrefois du Télagh, ses curés ont été MM. Gaillard (1954-1955), Lafarge (1955-1956), Schmitt (1956-1960), Guillouf(1960-196l), Balzamo (196l-1962).
Le 1er mai 1959, une salle paroissiale est inaugurée par M.Lacaste. A cette occasion on découvre les talents d’une chorale bien exercée. Lors du dernier recensement, la population totale du village était de 3369 habitants dont 332 Européens.
……………………………………………………………………………………… B.FEDDAL
LE TELAGH JUIN 1962
Colette Garcia
Comme tous les matins, ce 4 juin 1962, sitôt m’être apprêtée et avoir petit-déjeuner, je suis partie comme Perrette, la tête pleine de rêves et de châteaux en Espagne, acheter le pain. Rien de particulier à dire, du trajet jusqu’à la boulangerie ! En revenant chez moi, il y avait devant la maison qui faisait face à la nôtre, un petit attroupement de jeunes algériens (13 15 ans), quand j’arrive à hauteur de notre portail, au moment d’ouvrir, je sens le souffle d’un projectile (en fait une grosse pierre), qui vient heurter le portail en fer avec un bruit effroyable ; ma mère arrive complètement affolée, me croyant blessée, heureusement je l’avais échappée belle, comme on dit ! Nous nous sommes barricadées, en attendant que mon père rentre ; à partir de cet instant j’ai commencé à réaliser, que tout était perdu : l’insouciance, la douceur de vivre dans le village et, qu’il était impossible désormais de rester dans ce beau pays « Algérie ».
Quand mon père est rentré et qu’il a été mis au courant, les choses n’ont pas traîné, il a organisé notre départ et nous avons fait les valises. Je me revois la veille du départ, dans notre petite salle à manger, mes sœurs, mes petits neveux, maman qui pleurait et moi qui regardais les miens comme si je n’allais plus les revoir.
Il avait été décidé, que mon beau-frère Jeannot nous conduirait à la Sénia avec l’escorte militaire ; à 5h du matin on attendait… Comme Jeannot n’est pas du genre patient, il a décidé de prendre la route, j’avoue que tout le long du trajet j’ai prié pour qu’on ne soit pas attaqué. Mon beau-frère m’en parle souvent et reconnaît qu’il avait pris un risque inconsidéré, car très peu de temps après, sur ce même parcours, une famille qu’on connaissait et qui se rendait à Oran, avait été enlevée et massacrée. Nous sommes arrivés enfin à l’aéroport, il y avait là une foule immense qui attendait, certains depuis plusieurs jours, des enfants, des personnes âgées, tout le monde pleurait et serrait le peu qu’il emmenait. Nous devions rejoindre mon frère André muté depuis peu à Besançon dans le Doubs, je demandai donc un départ pour Lyon, il n’y en avait plus, par chance, mon cousin Mimi Gonzales était venu accompagner sa petite famille qui partait à Tarbes, il vient nous proposer un vol pour Toulouse, je dis à maman : « On va le prendre, une fois à Toulouse il y aura bien un train pour Besançon » C’est ainsi que nous avons quitté notre pays, laissant derrière nous, surtout pour les adultes, toute une vie de travail et de souvenirs.
Dans ce même vol, nous avons rencontré des voisins qui eux partaient à Firminy (Loire), nous nous sommes senties moins seules et tout le petit groupe, une fois arrivé à Toulouse, nous voilà partis à la gare Matabiau. Je ne vous dirai pas grand-chose sur le court séjour dans la ville rose, mais j’ai sur le cœur depuis bientôt 50 ans la façon indigne dont s’est comporté un contrôleur de la SNCF ; nous étions dans un train de nuit à compartiments, nous étions tous fatigués physiquement et moralement, je m’aperçois soudain que les sièges faisaient couchettes, sans réfléchir, nous nous installons sur les couchettes, le très zélé contrôleur, qui nous avait déjà contrôlé 2 fois, passe, repasse, entre, allume et nous redemande les billets et là, avec une méchanceté rare, nous ordonne de refermer les couchettes, si on se croyait en pays conquis et de le remercier car si nous étions tombés sur son collègue de Carcassonne, nous aurions eu une forte amende !
L’arrivée à Besançon ne peut pas s’oublier non plus ! Comme notre départ fût précipité, nous n’avions pas eu le temps de prévenir mon frère de notre arrivée, sauf que nous sommes arrivées un samedi et qu’André et sa famille étaient partis en Week-end ; nous voilà donc perdues dans une ville inconnue et, ne connaissant personne. Contrairement au contrôleur du train Toulouse-Lyon, nous sommes tombées sur la voisine de mon frère, une dame charmante, qui sans nous connaître, nous a offert un goûter et un lit pour faire une petite sieste. Nous avons passé la première nuit à l’hôtel, à 6 heures du matin, de grands coups à la porte nous réveillent : « Police ouvrez », en tremblant (nous avons pensé qu’il était arrivé quelque chose de grave à mon frère) j’ouvre et 2 policiers nous demandent nos papiers d’identité, pourquoi nous étions là etc etc… ; à l’époque quand on prenait une chambre dans un hôtel il fallait remplir une fiche de police, quand ces messieurs sont venus faire leur tournée, ils ont vu notre fiche, nous venions d’Algérie et coïncidence, le Terrasse hôtel se trouvait sur le parcours que le cortège du Général de Gaulle (en visite dans la ville), devait emprunter quelques jours plus tard. Heureusement, ces messieurs de la police ont vite compris que nous n’étions pas des terroristes et, nous avons pu nous rendormir.
Ce départ d’Algérie et cette arrivée en France Métropolitaine (comme on disait), ont été très pénibles et éprouvants surtout pour ma pauvre mère qui était déjà gravement malade ; moi, je n’avais que 15 ans ! cette épreuve m’a mûrie, la Coletta del Taladre a laissé rue de Saïda n° 10 son insouciance, son « petit soleil » et tout ce, qui ne sera plus comme avant.
En guise de bienvenue, l’hiver 1962-1963 a été rigoureux -25, les canalisations gelées, plus d’eau au robinet, le Doubs recouvert de glace et ma « sainte mère », toujours aussi généreuse et gentille a participé au don « La pelle de charbon » pour ceux qui étaient plus malheureux que nous.
C’était, il y a presque 50 ans, mais c’est, comme si c’était hier…
Ne jamais oublier ! Never forget !
Merci aux personnes qui nous ont aidées dans ces moments difficiles, ceux qui nous ont mal reçus, tant pis pour eux ! On leur a prouvé qui nous étions, capables de repartir à zéro ; en nous coule le sang de ces pionniers qui un jour, ont pris un bateau, un maigre baluchon sur l’épaule, pour défricher, cultiver les terres, construire des routes, des voies de chemin de fer, et faire ce beau pays qu’était « Notre Algérie ».
Santa cruz 2022
ta Cr Ojectif Gard par le journaliste Anthony Maurin, du 26 mai 2022 au sanctuaire de Santa cruzuz et son pèlerinage : célébration d’un ancien temps ?
La Vierge fait le tour du parvis (Photo Anthony Maurin).
C’est l’Ascension et Alès n’est pas la seule cité gardoise à être en fête. Les pieds-noirs se réunissent à Nîmes, au sanctuaire de Santa-Cruz, pour y célébrer la vierge ramenée dans leurs valises au début des années 1960…
Bienvenue à Notre-Dame-de-Santa-Cruz, à Nîmes, au Mas de Mingue, au coeur de la garrigue (Photo Anthony Maurin).
À Nîmes, le sanctuaire Notre-Dame-de-Santa-Cruz a été reconstruit comme il l’était à Oran en Algérie. Les rapatriés chrétiens d’Algérie, les pieds-noirs, s’y retrouvent chaque année (ou presque à cause de la Covid) depuis 1965 pour l’Ascension. Si dans les années 1980-1990 des dizaines – voire une centaine – de milliers de pèlerins se réunissaient le temps d’un long week-end, cette période semble révolue.
Mais avant d’arriver au sanctuaire… Il faut grimper, deux possibilités mais un même dénivelé. Le pèlerinage commence là (Photo Anthony Maurin).
Avant tout, pourquoi célébrer Notre-Dame-de-Santa-Cruz ? Nous sommes fin octobre 1849. Depuis un mois, le choléra exerce ses ravages parmi les quelque 25 000 habitants d’Oran et commence à gagner sa province. Il n’a pas plu depuis avril et, après les récoltes, ce sont maintenant les hommes qui périssent à cause de cette sécheresse. Et rien, malgré tous les efforts déployés n’a encore pu enrayer le fléau. Pour les médecins, seul le retour de la pluie pourrait sans doute stopper une telle épidémie. Mais pas de nuage à l’horizon…
Arrivé en haut, le visiteur a le choix de quelques mets typiques (Photo Anthony Maurin).
Le général Pélissier, commandant la place interpella l’abbé Suchet, vicaire général d’Oran : « Mais qu’est-ce que vous faites, monsieur l’abbé, vous dormez ? Vous ne savez donc plus votre métier, le choléra ? Nous n’y pouvons rien : ni vous, ni moi, ni personne ne pouvons l’arrêter. Je ne suis pas curé et, pourtant, c’est moi, Pélissier, qui vous le dis : faites des processions ! » Et l’officier jeta alors, comme un cri de désespoir ou de suprême espoir : « Foutez-moi une Vierge là-haut, sur la montagne : elle se chargera de jeter le choléra à la mer ! » Acté. Quelques jours plus tard, l’air et la terre étant « purifiés », l’épidémie était enrayée et Oran sauvée de la prolongation d’un désastre qui avait déjà fait près de 5 000 morts.
Les bus, les groupes et sous les pins, chaque quartier oranais retrouve ses anciens (Photo Anthony Maurin).
Retour en 2022. L’âge avançant, les frais croissant et la foi baissant, le nombre de pèlerins chute de manière vertigineuse. La période Covid n’a pas arrangé la chose… « C’est sûr que ces années ont parfois eu raison de notre foi. Certains ne viennent plus, ne peuvent plus venir ou ne veulent plus venir car ils ne connaissent plus personne. Il y a encore quelques anciens mais les choses changent et le monde tourne« , note un peu tristement Robert, venu de Camargue.
D’autres ont prévu la signalétique (Photo Anthony Maurin).
Avec une bonbonne d’oxygène, un Varois se repose à l’ombre de la pente raide, devant l’entrée principale. Il attend la procession, au calme. « J’ai 220 kilomètres à faire, ma femme ne conduit pas alors c’est vraiment la dernière fois que je viens. Des habitants de mon quartier d’orangeraie, il n’y a plus personne. Ils ne viennent plus car avant il y avait trop de monde et ils n’arrivaient jamais à se retrouver. Maintenant ils viennent en octobre… Moi, c’est ma dernière, j’ai 79 ans et j’ai dû verser une caution de 3 500 euros pour un appareil d’oxygène de rechange car avec celui-là je ne tiens pas la journée. »
Quand certains visent l’excellence (Photo Anthony Maurin).
Il y a encore 30 ans, la nourriture avait une place importante, prépondérante. Des tables partout, des piques-niques sauvages, des barbecues en garrigue, les stands de mets algériens… Les pèlerins venaient des quatre coins de la Méditerranée, parfois même d’Europe, voire du monde. Aujourd’hui, l’union n’est plus aussi forte, l’aspect populaire et réunion d’anciens est quasi inexistant. « Oui, c’est vrai que par le passé il y avait des stands partout, on se battait pour avoir des frites, des merguez, des mounas, des montecaos et bien sûr tous les petits plats que nous aimions manger quand nous habitions en Algérie« , avoue Martine qui vient pour l’Ascension depuis 1973 et qui habite les Hautes-Pyrénées.Les cierges flambent (Photo Anthony Maurin).
À la table d’à côté, Ange est désabusé. « Nous espérions être entre 2 000 et 4 000, mais il ne faut pas se leurrer, je pense que nous sommes moins et que les années prochaines suivront la même tendance, hélas, inexorable. Je le vois, les gens vieillissent, la pente est raide, il fait chaud et même si on peut s’assoir partout, il ne faut pas plus de monde pour que le confort soit suffisant. » En 2022, c’est toute une génération qui revit encore une fois son enfance, son adolescence, ses premiers pas dans la vie. Elle revit le déracinement, mais elle se raconte une histoire, elle se relit à des souvenirs, des odeurs, des saveurs. Mais de moins en moins de monde se souvient réellement. Combien reviendront ? Combien de temps ?
Les oliviers procurent un brin d’ombre (Photo Anthony Maurin).
« Nous on est là pour accompagner les grands-parents. On entend les gens sur le stade de foot là-bas, ça fait bizarre, il y a un tournoi. On reste là, on est bien. On est Nîmois et on vient depuis des années, toujours en famille mais c’est vrai qu’il y a moins de monde. Mes grands-parents parlent souvent d’Oran, ici c’est comme s’ils y étaient un peu et ça les rend heureux. Ils retrouvent encore des connaissances qu’ils ne voient qu’une fois par an, ici, autant vous dire que c’est la vraie gazette du bled ! Rien que pour ça, ça vaut le coup !« , sourient Luc et Pierre, cousins d’une vingtaine d’années.
Les plus assidues attendent aux places stratégiques pour l’arrivée de la procession (Photo Anthony Maurin).
Un jeune couple est venu seul, de l’Aude : « Nous sommes croyants, pas pieds-noirs mais nous voulions venir. C’est notre première fois et je trouve ça très sympa. Le cadre est magnifique, il fait beau, ça sent bon. On sent les gens heureux, ils parlent fort, ils s’amusent, c’est un peu comme une fête de promo. Je pense que le pèlerinage est un prétexte, mais c’est ce qui unit tout le monde. Il faut ouvrir cette cérémonie et cette journée à tous les catholiques ! Oui, des gens célèbrent leurs souvenirs d’Algérie et une Vierge qui a fait un miracle là-bas, mais le futur de ce rassemblement c’est autre chose. Il ne faut surtout pas oublier ses fondements. Nous reviendrons avec plaisir l’année prochaine et nous en parlerons dans notre paroisse ! »
Les salles d’expositions se vident, les fidèles sont prêts à suivre la Vierge (Photo Anthony Maurin).
Il faut dire le sanctuaire est fait pour replonger le croyant éloigné dans le décor. Le stationnement y est facilité pour les personnes à mobilité réduite, on y trouve une grotte, une chapelle, une maison du pèlerin, les cloches de la Relizane rapatriées en 1989, mais baptisées en 1959 par Monseigneur Bertrand Lacaste alors évêque du diocèse d’Oran… La grotte du sanctuaire de Santa-Cruz est inspirée de celle de Lourdes. Elle montre Sainte-Bernadette en prière aux pieds de la Vierge. Ses pierres, son sol, ses grilles sont couverts d’ex-voto et d’objets souvenirs.
Même la chapelle est désertée (Photo Anthony Maurin).
La chapelle comporte une série de vitraux récupérés par la Légion à Sidi-Bel-Abbès, un autel contenant les reliques de saint Alype, martyr et patron du séminaire d’Oran, un tabernacle moderne, un crucifix de l’église de Sidi-Bel-Abbès, deux fauteuils de chœur, un lutrin contemporain, une tapisserie de « l’Annonciation », un chemin de croix en céramique d’Arcole (Espagne XIXe siècle), une icône « la Sainte Famille », le tableau « La Descente de Croix » de Sidi-Bel-Abbès et, pour finir, trois bénitiers. L’un est du bas-empire romain et fut récupéré à Saint-Leu, un autre du sanctuaire de Santa Cruz d’Oran et, le troisième est l’oeuvre d’Agapito de Sidi-Bel-Abbès.
Le nouvel évêque, monseigneur Brouwet est présent pour sa première cérémonie ici (Photo Anthony Maurin).
Oui, l’Ascension, le sanctuaire, le pèlerinage et la procession ne sont peut-être plus à la mode, mais la mode dicte-t-elle toujours l’avenir de la foi ? Quand une génération disparait, une autre semble émerger. Moins ancrée dans le souvenir africain, plus aiguillée par la fraîcheur de la nouveauté. Les jeunes viennent, peuvent revenir et peut-être que l’histoire qui se joue depuis des décennies à Nîmes à l’Ascension dans ce sanctuaire pourra perdurer encore quelques années. Santa-Cruz et son pèlerinage : célébration d’un ancien temps ? Pas forcément !
On prépare… (Photo Anthony Maurin). La grotte (Photo Anthony Maurin).
La vierge arrive, et part depuis la grotte (Photo Anthony Maurin). Le cortège passe sur le Parvis (Photo Anthony Maurin). La Vierge fait le tour du Parvis (Photo Anthony Maurin). La procession va sur le parking (Photo Anthony Maurin). Une lecture sur le parking en direction de la descente puis de la remontée de la Vierge par l’autre grimpette qui donne sur l’entrée principale du sanctuaire (Photo Anthony Maurin). Le cortège défile entre les pins (Photo Anthony Maurin). Un Varois va prendre sa place à l’entrée du sanctuaire pour s’éviter la montée de la pente (Photo Anthony Maurin). Le cortège revient par la grande porte (Photo Anthony Maurin).
La vierge passe, elle se retourne et les fidèles l’applaudissent (Photo Anthony Maurin). La fin de la procession (Photo Anthony Maurin). Et la Vierge repart sur le Parvis pour la messe (Photo Anthony Maurin). Voilà la Vierge en bonne place, la messe peut être célébrée (Photo Anthony Maurin). Certains ne craignent pas le soleil (Photo Anthony Maurin). D’autres préfèrent rester à distance de peur de l’insolation. Quelques ambulances sont d’ailleurs venues récupérer des visiteurs (Photo Anthony Maurin).
Pour soutenir l’association et les bâtisseurs, vous pouvez faire un don ici. Pour de plus amples informations : Sanctuaire Notre Dame de Santa Cruz au 100 montée Monseigneur Lacaste 30 000 Nîmes. Téléphone : 04.66.28.09.99. Mail à contact@santa-cruz-nimes.fr
Alain Mimoun
Recueil de souvenirs réunis par Jules Segura (Merci à vous tous pour ces beaux souvenirs)
RECUEIL DE SOUVENIRS REUNIS PAR
JULES SEGURA
EL PATIO DE COLETTA
Le jeudi matin j’étais réveillée de bonne heure : pas d’ école, j’allais pouvoir profiter de la journée ! C’est le bruit du marteau sur l’enclume qui me sortait des bras de Morphée, en face de chez moi habitait Mr Aillaud……, avec son frère André ils réparaient les machines agricoles, Jean-Guy le fils était un ami, on s’échangeait les Mickeys et autres bandes dessinées. Dans ma rue vivaient toutes les personnes que j’aimaient : outre mes parents, mes sœurs, mon frère, il y avaient mes grands-parents, mes tantes, mes oncles, mes cousins, mes cousines, d’une maison à l’autre on avait pas loin à aller ; quand je vois à la télé certains quartiers de Marseille où tout le monde connaît tout le monde et où tout le monde s’interpelle, rit ou pleure, où il arrive même qu’on s’invective, eh bien ça me rappelle la rue de SAÏDA, ma rue. Sur l’écran de mes souvenirs, il y aussi tous les acteurs qui ont fait vivre le quartier ! Vulcanisateur ! pas docteur, ni coiffeur, non ! vulcanisateur ! ça me plaisait ce mot, et en plus Monsieur Talence….. qui exerçait ce métier, je n’avais que la rue à traverser pour le voir réparer et redonner une jeunesse aux vélos et aux motos. En parlant de vélos, JUAN-SIMON le peintre n’avait que ça pour se déplacer, je le revois passer devant la maison avec ses bidons de peinture et ses pinceaux, pendant son travail il chantait : « l’amour est un bouquet de viol…ettes… »et le pinceau montait et descendait au rythme de la chanson ! mon oncle Antoine le maçon, c’est en montant les murs qu’il chantonnait, j’allais quelquefois lui demander un peu de ciment et une truelle pour me faire une petite construction, il ne m’a jamais dit non et je l’en remercie, pour l’enfant que j’étais, sa patience et son écoute m’ont encouragée à entreprendre. Je ne peux pas parler d’Antoine sans parler de Carmen, ma tante, je ne pourrais pas vous dire les fois où j’allais lui rendre visite dans la journée. Je mangeais à sa table tout ce que je n’aimais pas chez moi, au grand désespoir de ma mère ! il faut dire que je partageais ce repas avec Helyette et Eve-Lyne et après on faisait la sieste où plutôt on se marrait comme des folles des histoires rocambolesques d’Eve. Juste en face vivait la Tia Concha, elle nous parlait souvent de Léon où elle habitait avant, que c’était une grande ville, je n’ai jamais su si c’était Lyon en France ou Léon en Espagne, elle était tellement contente et fière que je n’osais pas l’interrompre. Blanchette, ah ! Madame Cardi, elle avait une épicerie juste à l’angle du Boulevard, c’est elle qui m’a donné envie de faire du commerce. A l’époque, le café, le riz, les pâtes, l’huile, le vin, tout se vendait au détail :
-Je voudrais un kilo de farine !
Blanchette prenait une feuille de papier Kraft qu’elle roulait en cornet et alors moi, je regardais ça avec curiosité et plaisir, la petite pelle en métal introduite dans un gros sac en jute, ressortait avec la belle farine blanche que l’épicière faisait glisser dans le cornet ;
-1 kilo allez bon poids !
d’un petit mouvement rapide du poignet, en bonne commerçante Blanchette, faisait mine d’en mettre un peu plus. Pour le vin aussi c’était tout un cérémonial : le tonneau avec son robinet en bois, l’entonnoir, pas en plastique comme maintenant, non, en alu ! et après avoir donné sa bouteille, car les bouteilles étaient consignées donc on avait intérêt à les ramener, le robinet s’ouvrait et alors un beau liquide rubis coulait et il fallait fermer avant qu’il ne se répande parterre. Je mourrais d’envie de servir les clients. Et les boites de biscuits, petits beurre, feuilletés, gaufrettes, la aussi au détail, pour les emballer, c’était un papier plus fin, combien j’ai salivé devant les boites en fer, maman m’en achetait, mais pour la gourmande que j’étais, pas assez à mon goût. Il y avait aussi Charles le mari, un corse au bel accent, il avait toujours une blague à raconter ou alors il essayait de parler espagnol avec les clientes, sa femme s’amusait à lui faire dire (à son insu) des mots un peu crus, imaginez la tête de certaines mémés un jour où il a dit :
-Qué bonico .ogno (au lieu de mogno) ! (quel beau chignon ! je ne traduis pas l’autre mot, je vous laisse imaginer)
en s’adressant à l’une d’entre elles. Il fallait toute la diplomatie de Blanchette, pour calmer l’offensée !
Dans la rue il y avait aussi l’épicerie de Fifine, Madame Cervantes, une amie à maman. Son mari Pierre était un peu sourd, il nous racontait :
-Quand il y a une conversation et qu’on me demande , hein Perrico ? je dis : oui, oui, même si j’ai rien entendu de ce qui se dit. Il portait un béret noir qu’il ne quittait presque jamais, et son épouse le taquinait toujours :
-tu peux pas t’enlever ce béret, bientôt tu vas coucher avec !
et bien là croyez-moi, un jour, d’un geste rageur, je l’ai vu s’arracher le couvre-chef, le diriger vers ses pieds, lever la jambe et hop d’un seul coup son pied droit a traversé le feutre noir, madame est restée sans voix et moi, je ne me suis pas attardée, ougna ! (fuyons). On dit souvent que les gens très calmes, et c’était le cas, encaissent, encaissent et ça finit par exploser la preuve ! en parlant de ça, me revient ce jour où, madame Cervantes avait préparé un bon pot au feu qu’elle faisait cuire dans une cocotte minute, c’était les premiers modèles sortis sur le marché, la soupape à commencer à tourner et, siffle que je te siffle, madame servait des clients au magasin elle n’a pas pensé à venir diminuer le feu du gaz, et siffle siffle, tout d’un coup une explosion, la cocotte s’est retrouvée au milieu de la cuisine et tout son contenu projeté sous forme de jet, par le petit trou d’ou s’échappait la vapeur. Le plafond a été tapissé de particules de viande, carottes, navets , c’était impressionnant !
Comment ne pas vous parler de Juanico Parra,qui habitait chez Cervantes, je l’aimais beaucoup et il m’a toujours fait rire, même après notre exode (nous nous sommes retrouvés dans l’Est de la France, nous avions le même employeur Peugeot). En Algérie, les soirs d’été la coutume voulait qu’on prenne le frais. Tout le monde sortait sa chaise et on se rassemblait devant une maison. Nous partagions ce moment devant chez Juanico et Françoise. J’arrivais la première avec ma petite chaise et alors j’écoutais Jean racontait sa captivité en Allemagne dans les années 1940, il avait été envoyé dans une ferme pour aider aux travaux des champs, ce qui a été je suis sûre, une dure épreuve avec : le froid pour quelqu’un qui venait d’un pays chaud, l’éloignement, l’incertitude, eh bien lui nous en faisait un récit d’une drôlerie, raconté de façon « Pagnolesque », c’était mon Raimu d’un soir, et tous les soirs le récit changeait, ma sœur Isabelle attrapait des fous-rire que l’on entendait à l’autre bout de la rue, son épouse le regardait et souriait sachant, qu’il en rajoutait beaucoup, mais quel bonheur de l’écouter ! quand venait le moment d’aller se coucher, je le suppliai, racontez-moi encore, qu’est-ce qu’elle faisait la frauleïn ?
– Demain, demain maintenant il faut aller dormir !
Vivement demain soir !
Juanico m’a raconté plus tard, que petit il a connu mon grand père maternel qui venait d’Andalousie avec toute une équipe d’hommes et des bourriquots espagnols (plus grands que l’âne), le soir quand ils rentraient des chantiers (ils travaillaient dans les carrières), ils croisaient Jean qui était enfant, ils le faisaient monter sur une bête et leur plaisir était de l’entendre chanter, il était déjà très gracieux. Il est maintenant dans un autre monde, mais je suis sûre que là-haut il fait rire même le Bon Dieu ! Joséphine sa fille l’a rejoint (trop jeune hélas) et il n’y a pas longtemps son épouse Françoise.
Je rassure Séraphin et Jean, j’ai toujours eu un grand respect pour leur père, si je parle de Juanico ou de Jean c’est pour les anciens qui l’ont connu, pour ma part il reste Monsieur Parra.
J’ai évoqué plus haut la famille Aillaud, c’était les seuls à une époque à avoir le téléphone dans le quartier, alors quand il y avait une urgence très aimablement Madame Aillaud, évitait à ma mère d’aller à la poste. C’était marrant de la voir tourner la petite manivelle pour avoir le standard, ensuite elle demandait :
-le 12 Oran pour le 4 Télagh !
Quelquefois il fallait raccrocher et attendre que la standardiste nous rappelle ; on n’ était pas encore au temps du Clic ! et des MMS
Madame Aillaud jouait de l’harmonium à l’église, et après la communion solennelle, avec Maryse, Clotilde, Michèle, Raymonde nous avons fait partie de la chorale. L’abbé Filliard a interrompu un jour la messe pour dire :
-je demanderais à ces demoiselles de la chorale de bien vouloir arrêter de parler !
Celles et ceux qui se rappellent de notre curé savent, qu’il n’était pas toujours commode. La chorale c’était la messe du dimanche, mais aussi les mariages et après nous étions invités à l’apéritif, que de bons souvenirs !
En évoquant le curé Filliard, il me souvient qu’un jour nous partions au catéchisme tout un petit groupe, juste avant le presbytère on rencontre Antoine Ségura (le mari à Odette Gomez) qui nous demande :
-où vous allez ? ( il était gendarme auxiliaire donc en tenue)
-ben on va au catéchisme !
-mais il n’y a pas catéchisme aujourd’hui, monsieur le curé est mort !
nous sommes partis en courant sans chercher à comprendre, annoncer la nouvelle à la maison, certaines mamans se sont précipitées au presbytère, et là devinez qui leur a ouvert la porte ? Oui, oui le curé ! je ne vous dis pas la surprise !
Dans ma rue il y avait aussi Djillali l’aveugle, il avait une canne bizarre, autour du pommeau il avait des centaine de petits bouts de ficelle qu’il nouait et ça faisait comme un essaim d’abeille, pour les enfants c’était un peu mystérieux, mais il était très gentil Djillali, il nous reconnaissait au son de la voix :
-toi ti Coulette la fille à Pépé !
il m’attrapait la main pour me remercier de lui avoir donné, ou un morceau de gâteau ou un bonbon. Un jour on ne l’a plus revu, et on a appris plus tard qu’il était mort et que dans son essaim il y avait une grosse somme d’argent, est-ce vrai ?
Mon frère André a travaillé jeune chez Monsieur Berger, notre voisin, qui était cordonnier -cellier. Je revois, la boule de suif où il passait le fil pour l’enduire de gras, l’alêne pour percer le cuir et aussi l’odeur que j’aime tant (plus tard j’ai vendu de la maroquinerie) ! Madame Berger était institutrice, les bûchettes, les découpages, c’était le cours préparatoire et l’entrée à la grande école !
Devant chez moi il y avait une fontaine, souvent je m’asseyais dessus et je regardais passer les gens. C’est ainsi qu’un jour assise sur la fontaine j’ai vu arriver un camion comme je n’en avais jamais vu. Les roues avaient une grosseur impressionnante, pour monter dans la cabine il y avait une échelle, c’était un camion qui partait dans le sud où il y avait du pétrole. Bien vite il y a eu un grand attroupement pour voir ce curieux engin qui a stationné pour qu’on puisse voir et faire des photos. Je vous passe les : poh ! poh ! poh ! purééé ! pu…. ! et autres commentaires autour du terrible engin !
Le vendredi jour du poisson nous arrivait tout droit de la ville, la pescatera ! elle chantait :
-du poisson ! du poisson on !
-regarde mes rougets, poze on dirait qu’ils veulent nous parler tellement ils sont frais, et la bonite elle est pas belle ma bonite ?
L’étal de poissons était à l’arrière de la camionnette sur des pains de glace.
Pauvre de moi, j’aime pas le poisson, il va falloir en manger ! je préfère les migas avec la côtelette espagnole (la sardine séchêe)
Il y avait aussi la venue du marchand d’oublis (une gaufrette en forme de tube).Pour signaler sa venue, il avait fabriqué un instrument avec une planche, une poignée vissée sur les 2 côtés, et il en jouait comme avec une castagnette, nous les gosses on comprenait vite le message !
Et Joachina, la marchande de légumes, elle se déplaçait avec une charrette que tirait un âne, en achetant les légumes on apprenait les nouvelles du village, certains personnes étaient habillés gratuitement pour toute l’année.
La rue se transformait parfois en théâtre ouvert, c’est ainsi qu’un indigène venait 1 ou 2 fois par an (on ne sait d’où) habillé comme un homme orchestre, des clochettes aux mains, aux pieds, à la taille, il dansait et chantait en échange de quelques pièces. Et le marchand de vaisselle un personnage ! il pratiquait le troc, on lui donnait des vêtements usagés ou des peaux de lapins et en échange les ménagères pouvaient choisir dans son vieux landau pour bébé, de la vaisselle. Un jour il faisait la démonstration d’assiettes incassables, il en lance une ça marche, elle ne se casse pas, la deuxième se brise en mille morceaux et alors là, avec un talent de bonimenteur il lance à l’assistance :
-cille là y’avait pas d’produit ! bravo l’artiste.
Coiffeur à domicile, c’est un métier qui revient ! je me rappelle de Monsieur Ginès Castellon qui venait raser et couper les cheveux à mon grand-père Pédro-Andrès. On installait la chaise dans la cour, le coiffeur sortait tout son attirail et le travail pouvait commencer. Je tournais autour, surtout quand il rasait mon pépé avec le grand rasoir, j’avais peur qu’il le coupe, mais non, tout en parlant il avait le geste précis, il me promettait si j’étais sage de me donner la petite bouteille vide de la lotion dont il tapotait ensuite le visage de grand-père rasé de prés. J’attendais ça comme une récompense, pensez une petite bouteille qui sent bon ! allez donner ça aux enfants maintenant, ils vont vous rire au nez !
Le métier de matelassier ambulant par contre lui n’existe plus. La plupart des matelas étaient en laine, tous les 3 ou 4 ans, il fallait refaire le matelas, parce que la laine était trop tassée et qu’au centre il y avait un creux, et ensuite, pour laver la laine et changer la toile. Première étape, découdre le tissus pour en extraire la laine et laver celle-ci, ensuite étaler la laine sur des grandes nattes pour la faire sécher au soleil. Arrivaient ensuite, Manuel Contreras et sa mère pour refaire le matelas : Manuel commençait par taper la matière avec un bâton en bois et une baguette en fer, il avait le savoir faire, et que je te soulève d’un côté et que je te donne la « tréja » de l’autre, ensuite avec une espèce de brosse aux dents en métal arrive le moment de carder, c’est à dire démêler la laine. La confection du matelas se faisait tout à la main, pour coudre le tissus, la longueur des aiguilles m’impressionnaient, il y avait 2 modèles, le simple ou à bourrelets, là aussi madame Contreras et Manuel étaient des artisans, la touche finale, des brins de laine cousus un peu partout sur la surface recto et verso, pour former des creux et des bosses pour le plus grand confort des dormeurs. Les premières nuits sur le matelas neuf, on se serait cru sur des montagnes russes, après la laine se tassait et on redescendait d’un cran. Je ne peux pas évoquer la cour, sans parler de la « matanza » ; mon oncle Antoine Gonzalez et ma tante Catherine venaient et là aussi c’était la fête. Je ne voulais pas aller à l’école ce jour-là, on allait tuer le cochon, je ne voulais pas rater ça ! que nenni on m’expédiait, on ne voulait pas voir les enfants tourner autour. A midi, quand je revenais le boudin était déjà prêt et les côtelettes attendaient d’ être grillées dans la cheminée. Et les grattons , les tchitcharons, ma mère faisait une galette de tchitcharons et c’était un délice ! (j’en ai remangé du côté de Perpignan, un boulanger Pied-noir en faisait). La fabrication de longanisses, blanquicos, pâtés etc durait 2 jours, mais quelle bonheur, l’odeur et surtout la chaleur de ces moments familiaux, sont encore présents lorsque je vous en parle. Mon cousin Jean-Jean m’appelait côtelettes, je n’appréciais pas trop ! mais bon, ça fait aussi partie de mes souvenirs. Quand il y a eu le couvre-feu, on ne pouvait plus prendre le frais dans la rue, alors on restait dans la cour, mon père arrosait pour faire un peu de fraîcheur, on disposait les chaises en cercle et là, c’est ma grand-mère Ysabel qui nous racontait des choses extraordinaires. Lors de la pleine lune, elle me disait : regarde la lune, mais pas trop, parce que tu sais, regarde bien, que vois-tu ?
-je voyais des formes, mais quoi ?
– eh bien figure-toi qu’un meunier revenait avec son âne après avoir livré de la farine, et il s’est mis à fixer la lune, et d’un seul coup il a disparu, la lune l’a aspiré, alors tu le vois maintenant !
– oh, oui mémé je le vois et l’âne aussi !
les soirs de pleines lunes je ne peux pas m’empêcher de regarder le meunier et son âne, je pense à ma grand-mère , comme elle nous captivait avec toutes ses histoires merveilleuses ; de nos jours les soirées contées sont à la mode, Mémé était en avance sur son temps. Elle savait tout faire, coudre, cuisiner, elle faisait son savon, je la revois un foulard très serré sur la tête, devant le chaudron fumant et elle tournait le mélange, après elle faisait les morceaux. Mon grand-père Pédro-Andrès n’y voyait plus très bien, il tressait de l’alfa pour en faire de jolis paniers, des corbeilles, il s’occupait ! je lui portais quelquefois des cigarettes et il était content ! j’avais la chance de les avoir prés de moi, nous habitions au même endroit, des habitations séparées mais avec la cour commune, el patio de Coletta !
Nous étions toute une petite bande rue de Saïda, Yves Talence, Jean-Guy Aillaud, Richard Durand, Régine Durand, Maryse Campos, Helyette Baldéras, Jacqueline Charasse, Jean Gonzalez, Paule Cardi, des fois on s’amusait à sonner aux portes et vite on s’enfuyait, quand la porte s’ouvrait on attrapait le fou-rire, contents de nous. Il y a eu la période hula-hoop, qui n’avait pas son cerceau, et vas-y que je me déhanche ! quand on maîtrisait le mouvement, qu’est-ce qu’on était fiers. Puis vint la période scoubidous, « des pommes, des poires, et des scoubidous, bidou ah » le stock de fils électrique a été vite épuisé ! il y avait des artistes qui arrivaient à tresser les fils pour reproduire une guitare, un dromadaire, enfin toutes sortes de gadgets. Nous avons même fabriqué, je ne sais pas qui en a été l’initiateur, des échasses : deux perches en bois, avec un petit carré cloué à mi-hauteur pour poser les pieds et nous voilà partis à grandes enjambées arpenter la rue en riant de notre trouvaille, certains plus prudents, ont accroché des ficelles à des boites de conserve et en on fait des « boites de 7 lieues »
A vous dirais-je mes amis, que c’est rue de Saïda, où j’ai eu « une déclaration ! » ! Un beau jour, ma copine Clotilde vient me voir devant chez moi et me dit :
-Voici de la part de ? (quelqu’un, il se reconnaîtra) il est amoureux de toi !
elle me donne une sucette en forme de poupée. Je ne savais plus quoi dire, je pensais d’abord à une blague :
-je te dis qu’il te l’offre, parce qu’il t’aime !
Il venait d’avoir 9 ans et moi 8, aucun garçon ne m’avait encore offert quoique ce soit ! bien avant Jacques Brel, il avait compris que les fleurs c’est périssable et les bonbons c’est tellement bon ! surtout pour la gourmande que j’étais ! je suis restée muette, toute émotionnée ! j’ai pris le cadeau, le cœur rempli d’amour , je suis partie bien décidée à garder le précieux gage, dans un joli coffret entouré d’ un petit nœud rose, mais hélas, 1 heure après, la friandise a été sacrifiée sur l’autel de ma trop grande gourmandise ! Et la romance ? me direz-vous :
– elle a vécu ce que durent les roses ! notre timidité et notre jeune âge, a eu raison de cette belle histoire, d’amour débutant !
Virazeil
Colette GARCIA-TEULET le 18 .02.2008
MON VILLAGE LE TELAGH
Pour toute ma famille et tous mes amis a la vitesse où le temps passe, rien n’efface l’essentiel ! (F. Cabrel)
Certains se rappellent leur premier noël, d’autres leur première voiture, d’autres encore leur premier amour, eh bien moi, mon premier souvenir est mon premier jour d’école !
Je suis la petite dernière d’une famille de quatre enfants, André mon frère avec qui j’ai quinze ans d’écart, Edouarde treize ans, Isabelle onze ans, vous comprendrez que j’étais la petite gâtée et pour mes aînés la petite merveille du monde. Vers l’âge de 3 ans on m’a inscrite à l’école maternelle, ma sœur Isabelle était (comme on dit maintenant) auxiliaire scolaire chez les petits, elle aidait la maîtresse, à l’époque Madame Latorre. La veille de la rentrée, toutes mes affaires neuves étaient préparées, tablier, souliers, vêtements, cartable etc…Mon père très fier de son petit génie, je savais compter, écrire mon nom, me fait les dernières recommandations et il a ces paroles que l’on dit quelquefois aux petits enfants, sans penser qu’ils puissent les prendre au sérieux :
-alors tu seras bien sage, et surtout si la maîtresse est méchante avec toi tu me le dis et elle aura à faire à moi !
C’était des paroles surtout pour me rassurer, pour m’envoyer le message que si j’allais à l’école ce n’était pas parce qu’on ne m’aimait plus, qu’on m’écartait en quelque sorte du giron familial ! non rien de tout ça, c’était pour m’instruire.
Au petit matin, après un bon petit déjeuner, toute mignonne, me voilà partie avec ma sœur, en route pour la grande découverte de la culture et de l’instruction. Après quelques pleurs dans le préau, nous voilà tous dans la salle de classe, certains sanglotent encore dans leur coin, moi j’ai ma sœur pas loin je suis un peu plus rassurée ; à un moment donné je vois Isabelle murmurer à l’oreille de l’institutrice, celle-ci jette un regard vers moi et me demande de venir :
-Alors Colette, tu es contente, c’est bien l’école ?
Moi toute innocente :
-Oui, mais mon papa, il a dit que si tu m’embêtes, tu auras à faire à….
Je n’ai pas eu le temps de finir ma phrase, une volée de gifles, des pincements d’oreilles, les cheveux tirés et pour finir, elle a ordonné à ma sœur de m’enfermer dans le « Père cafard » la terreur des petits écoliers, en fait c’était la cave où on mettait le bois de chauffage. Voilà où j’ai passé ma première demi journée d’école, à sangloter et à me dire que j’étais victime d’une grande injustice, je le pense encore ! Pour un essai ce fût un coup de maître je dirai même mieux «pour un essai ce furent : les coups de la maîtresse ».
Le retour à la maison a été une délivrance pour moi, mais pour ma sœur qui avait eu la maladresse de demander à Madame Latorre de me questionner, les foudres de toute la famille lui sont tombées dessus ! la pauvre elle était plus malheureuse encore que moi, d’ailleurs elle aussi s’en souvient. En tout cas la méthode a été radicale, je n’ai plus été au « Père Cafard » j’étais sage comme une image. Mon père n’a rien reproché à la maîtresse, à l’époque, les parents ne soutenaient pas les enfants, pourtant là je m’interroge ? toujours est-il que je n’ai pas oublié mon premier jour de classe à l’école maternelle du Télagh.
Puisque je vous parle du « père cafard », je ne peux pas ne pas évoquer le drame survenu avant la rentrée des classes de 1956 (je crois) ! les militaires avaient stationné à l’école pendant les grandes vacances. Des munitions avaient été stockées dans le local à bois. Après leur départ, André Thèvenot et le regretté Marcel Carmona jouaient dans la cour de l’école, qui a trouvé l’obus ? je ne sais pas, toujours est-il qu’il y a eu une explosion, Marcel a été tué sur le coup, André a été blessé, dans le village ça a été la consternation, je me rappelle encore de cette pauvre madame Carmona inconsolable et de la grande foule qui a accompagné Marcel pour son dernier voyage. La rentrée des classes a été un peu retardée, mais nous les enfants nous n’avons pas eu un psy pour nous prendre en charge, pourtant ça a été un vrai traumatisme pour nous, mais à l’époque ce n’était pas encore en vogue !
Pour aller à l’école je passais tous les jours devant la place où il y avait des bals l’été, avec des beaux orchestre. Je me rappelle aussi de l’orchestre Garcia, je n’ai pas grand mal à m’en souvenir puisque c’est mon nom de jeune fille ; à l’occasion de ces fêtes de village des concours de danse était organisés pour les enfants, auxquels je participais. J’ai souvent gagné le concours avec pour cavalier Raymond Alonzo, nous avons même gagné le premier prix en dansant la « Raspa » Pour les jeunes qui ne connaissent pas cette danse, originaire d’Amérique latine peut-être, ça consiste à faire un pas en avant jambe droite, la gauche derrière et revenir jambe gauche devant jambe droite derrière ceci en traînant les pieds, Raspa voulant dire râpe en espagnol, au refrain : bras dessus bras dessous on tourne et hop on change de bras. Ce n’était pas de la « tecktonik » mais c’était très amusant et entraînant. Nous avons ainsi fait plusieurs concours avec le regretté Raymond puis, il est parti au lycée à Sidi Bel Abbès ( il avait 3 ou 4 ans de plus que moi), il avait d’autres copines et l’une d’elle Paule Loubière de Rochambeau qui venait faire le boulevard dans notre village. J’étais un peu jalouse, une de mes cousines en parlant de Paule, la surnommait Poilla, c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde, un dimanche je croise sur le boulevard Raymond avec des copains, copines dont Paule, moi par dépit je lance :
-bonjour Poilla !
Raymond viens vers moi et me dit :
-si tu l’appelles encore comme ça, je ne ferai pas le concours de danse avec toi !
Très sure de moi j’insiste :
-au revoir Poilla !
Si Paule lit ces quelques souvenirs, je lui demande d’excuser la petite fille stupide que j’étais.
Raymond a tenu parole, au concours suivant, ma sœur l’a supplié, j’ai pleuré, il n’y a eu rien à faire, j’ai dansé avec un cavalier qui venait de Tirman (un petit fils de Madame Louis Garland) nous avons perdu mais, heureusement Raymond a aussi perdu, ouf !
L’onclede Raymond, Antoine Alonzo, tenait une boulangerie-pâtisserie, il m’arrivait d’aller avec ma sœur acheter le pain ou des gâteaux. Antoine était très moqueur ! quelque fois ma sœur Isabelle roulait ses cheveux dans des papillotes en tissus, pour avoir des frisettes, elle dormait avec toute la nuit, résultat elle se retrouvait frisée comme un mouton ; un jour, on entre dans la boulangerie, Antoine regarde ma sœur et d’un air très ironique lui dit :
-Où tu vas ma fille ? quand « tiarives » on dirait que tu t’en vas !
Elle a pris le pain sans répondre et on n’a pas mis longtemps pour parcourir la distance qui nous séparait de la maison tellement elle était vexée. Le père à Antoine, Manuel, grand père de Raymond et Manou, était un ami à papa, mon père bien plus jeune, avait été chauffeur dans son entreprise et c’est monsieur Alonzo qui lui avait permis d’acheter son premier camion, c’était un homme d’une grande gentillesse c’était comme un grand-oncle pour moi, petite dés-que je le voyais j’allais l’embrasser, s’il était devant la boulangerie il me disait :
-va choisir un gâteau !
j’hésitais, parce que ma mère me disait toujours, si on t’offre quelque chose il faut dire : non merci ! ce n’est pas poli d’accepter, on va dire que tu es une mal élevée !
Mais la gourmandise l’emportait sur les bonnes manières, j’allais choisir une madeleine, Mum mmmmmmmmmmm ma madeleine de chez Alonzo, comme elle était bonne ! et on voulait que je refuse, vous vous rendez compte ? je ne pourrais pas vous en parler aujourd’hui, merci Monsieur Alonzo.
En parlant de son père et du mien, Antoine disait :
-Quelle paire de pères !
Je vous ai parlé de l’école, de la danse, il y avait aussi le théâtre ! au village il y avait les dames de la ligue Catholique, qui s’impliquaient dans la vie de l’église. Madame Cavé, madame Aillaud, Madame Bougeon Madame Fillol, madame Cambon (la maman à Claude) ;elles nous faisaient jouer des petites scènes, danser dans des petits ballets, pour la kermesse. Madame Fillol (l’épouse du receveur des impôts) nous faisait répéter chez elle, au son du piano. La représentation se faisait au marché couvert qui servait de salle des fêtes quand il faisait froid. Ma sœur Edouarde qui est couturière, me faisait de jolis costumes, ainsi j’ai été : lapin, petite maison rose, alsacienne avec la coiffe en forme de gros papillon noir, Michel Ramon était mon alsacien, il paraît que j’étais douée, madame Fillol avait conseillé à maman de m’inscrire au conservatoire, pensez ! une fille théâtreuse, quel scandale ! tant pis. maintenant c’est moi qui m’occupe d’un atelier théâtre enfants et adultes, je crois en souvenir de ces dames. Merci à elles, qui se sont consacrées aux enfants et aux jeunes du Télagh.
Au marché couvert il y avait aussi des bals, les jeunes filles étaient accompagnées de leur mère, pas question de sortir seules. Dés que la musique commençait, vite les jeunes-hommes allaient inviter une cavalière il arrivait que celle-ci refuse, ça c’était un affront pour l’éconduit !
Un après-midi mes sœurs étaient assises avec maman, commence la musique et voilà qu’Edouarde voit se diriger vers elle un garçon qu’elle avait surnommé « cabeza trueno » (traduction intégrale : tête de tonnerre ! pourquoi ? je ne sais pas ! je n’ai jamais vu la tête d’un tonnerre ! enfin) ;elle regarde ses chaussures pour ne pas croiser le regard de l’intrus, quand soudain elle entend :
-vous dansez mademoiselle ?
Elle le regarde et là il s’est ramassé une « calabaza » autrement dit elle a dit non ;le pauvre est allé s’asseoir humilié. Un autre cavalier vient inviter ma sœur, comme il lui plaisait elle se lève pour aller danser, tout d’un coup arrive la mère de l’offensé qui prend le bras d’Edouarde et lui dit :
-tu n’as pas voulu danser avec mon fils, eh bien tu ne danseras pas !
ma mère se lève à son tour :
-Depuis quand tu décides si ma fille doit danser ou pas ?
les danseurs en ont profité pour partir sur la piste, et les deux mères ont vite oublié l’incident.
Dans le village tout le monde se voyait affublé d’un surnom ! ainsi Santiago du Chili, c’était un jeune algérien qui était commissionnaire, ma sœur Isabelle travaillait à la maison du colon (la banque Crédit Agricole) et souvent il faisait les courses pour les employés, le pauvre il avait eu de l’infection aux yeux ce qui faisait dire à ces demoiselles de la banque :
-il a les yeux en boutonnières passepoilées !
Pata rana ! ( pattes de grenouille), il habitait en face du café des parents à Jules Ségura, (je crois), il marchait les jambes écartées, d’où la comparaison avec le batracien. Pour tout vêtement il portait une abaya (genre de boubou) et rien dessous, il était souvent assis devant chez lui et quand les jeunes filles passaient, il écartait bien les cuisses pour montrer ses attributs, et il leur disait des mots grossiers.
La Jefa (prononcée ré : la chef) son époux était chef de chantier ; très gentille madame Llépes elle avait beaucoup d’humour, elle venait dans l’Est chez sa fille Dolorès qui habitait juste à côté de chez moi. Elle m’a raconté, qu’une de ses voisines espagnole, voulait absolument parler français, elle appelait son fils Rémoundi, un jour elle l’envoie chercher de l’herbe pour les lapins, et voilà ce que ça a donné :
-Rémoundi, Rémoundi, prends le capacette (panier) et va chercher de la llerbesse (l’herbe) pour le bouricon (âne)del pompillone ! (de papa)
Si de là haut elle nous voit, je l’embrasse !
Tio Rojo (tillo ) l’homme roux, mon grand père maternel que je n’ai pas connu, mais dont j’ai entendu parler.
La tia bouriquera ( la dame qui a ou qui a eu des ânes)
Bientôt nous allons voter pour élire nos maires ; qui n’a pas vécu les élections municipales au Télagh, n’a rien vu !
Mon père a été fâché longtemps avec son jeune frère Henri, à cause des élections. Mon père était sur la liste de Monsieur Cambon, le maire sortant et mon oncle travaillait chez Pierre Bernabeu qui briguait le fauteuil , donc il le soutenait. Les poètes s’en sont donnés à cœur joie, chaque jour était publié un pamphlet ! il y a même eu des crêpages de chignons :
Et Valérie au volant de sa vedette
Descend, pour assommer Odette !
Je cite ces vers de mémoire tant ils m’avaient marqué.
Le jour dit, les gens allaient voter et vite ils rentraient chez eux. Heureusement ça ne durait pas, et souvent ça se terminait par une paëlla géante que l’équipe élue offrait à ses électeurs. En ce qui concerne mon père et son frère, un jour mon père était sur le bord d’une route, une roue de son camion avait éclaté, et là qui arrive et vient le dépanner, Henri son frère qui a toujours eu une très grande affection pour son aîné de vingt ans qui l’a élevé, bien entendu ils se sont réconciliés, et mon père qui était de mauvaise foi nous disait :
-mais moi, je n’ai jamais été fâché avec mon petit frère !
Quelques jours avant Pâques, beaucoup de ménagères préparaient des « mounas » (brioches pieds-noirs), il y en avait toujours une petite pour les enfants, avec en son milieu un œuf. Comme le nombre de brioches était important, c’est au four du boulanger que l’on allait les faire cuire, il fallait prendre rendez-vous pour avoir son tour ; à la maison elles étaient stockées dans un endroit frais et recouvertes d’un linge bien blanc, pour ne pas que les mouches aillent dessus, on se méfiait de la « moscarda » (la grosse mouche verte qui pond) On avait droit de se régaler avec la mouna, le dimanche de Pâques, pas avant, carême oblige !
Avant Pâques il y avait le dimanche des rameaux et nous les enfants notre rameau était décoré de friandises, petits sujets en sucre et en chocolat. Je devais avoir six ans, j’avais étrenné une belle robe blanche que ma sœur m’avait fait et un joli boléro en angora, j’arrive à la messe avec mon rameau et toutes ces tentations suspendues, on m’avait bien recommandé de ne pas en manger pendant la messe, j’avais beau essayer de suivre la messe, mais pensez-vous je les avais là sous mon nez, ils me narguaient,ces poules, ces cloches, ces lapins, ces œufs, n’y tenant plus je me saisis d’une poule en sucre à la crête rouge et aux yeux bleus, c’était bon ! tout d’un coup ma mère m’a regardée, j’ai compris à son regard que j’étais marquée du sceau de la honte, ma bouche était bleue et rouge, j’ai voulu m’essuyer c’était pire et en plus le joli boléro et la robe ont été tachés, ma punition c’est que quand la messe a été terminée tout le monde a rigolé, j’aurai voulu m’enfuir, mais tu parles j’avais toujours la branche d’olivier avec toute la basse-cour pendue, va courir avec ça !
Le lundi de Pâques, nous partions manger le riz à Séfioun (direction de Saïda), ou au trou du curé sur la route de Bossuet. Une nappe à même le sol, la gargoulette enveloppée d’un linge humide au milieu, on s’asseyait par terre et c’était le bonheur ! ça commençait pour les grands par l’anisette Gras avec la quémia (on dit maintenant les amuses-bouches) les fèves, les pois-chiches grillés, les olives noires à l’eau Crespo, les variantes (petits légumes au vinaigre) nous les enfants on avait droit au sirop ou au coco (dans un litre d’eau on mettait un paquet de poudre de coco, ça faisait une boisson jaune au goût de réglisse) il y avait aussi l’anthésite. Pendant ce temps dans la poêle le bouillon safrané et tous les bons ingrédients mijotaient en attendant le riz qui ne serait mis qu’au dernier moment, il vaut mieux attendre pour le riz parce qu’après il se transforme en « gatchas » (pâte trop cuite). En entrée : salade juive, oh ce goût de poivrons et de tomates grillés ! un délice ;et la reine de la fête la grosse poêle de aroz ! esta de olé (elle est extra) même les oiseaux ils attendaient avec impatience leur part ! la salade, le fromage, vous vous rappelez le camembert avec une fleur en plastique dedans ? on faisait après des bouquets ,(je suis sure que des collectionneurs ont encore ça) et le dessert avec la mouna on goûtait, on comparait, celle là est parfumée à l’anis, celle là au citron et hop un petit coup de mousseux ou de thé à la menthe pour faire glisser. Les jeunes gens un peu gais s’amusaient parfois à frotter le fond de la poêle et ensuite ils barbouillaient celle qu’ils pouvaient surprendre, c’était des poursuites avec des cris et des rires, nous les enfants on riait quand la victime revenait le visage tout noir, ou bien c’était avec de la farine et là, la demoiselle avait pâli d’un seul coup ; les anciens à l’écart faisaient la sieste le visage masqué par un chapeau ou un mouchoir ! c’était le bon temps d’avant, le temps d’avant les évènements !
Pour préparer Noël, dans toutes les maisons quelques jours avant c’était l’effervescence ! le gâteau traditionnel avec la bûche : el mantecao ! (pâte sablée saupoudrée de cannelle) la championne du mantécao c’est ma tante Béatriz Lazar ! elle nous faisait des minis au citron, à l’orange, ils étaient présentés dans des petits moules plissés en papier, c’était beau et bon !
Vous vous rappelez la bûche maison, les oreillettes, le turron de Jijona, les pralines, les chocolats, les fondants, aie aie aie les dents !
Le père noël on attendait ça avec impatience, oh ces matins de noël quand on se levait et qu’on se précipitait pour découvrir tous les cadeaux au pied du sapin ! nous n’ en avions pas autant que les enfants maintenant, mais c’était la joie quand enfin on avait le jouet désiré. C’est mon cousin Jean-Jean encore lui qui un matin de noël a mis fin à cette belle légende du père noël :
-le père noël n’existe pas, c’est les parents qui achètent les jouets !
avec ma cousine Helyette on a pleuré, pleuré pensant que jamais plus nous n’aurions de cadeaux. Il faut toujours croire au père noël !
Le jour de l’an, les enfants nous allions souhaiter bonne année aux voisins, c’était comme Halloween bien avant l’heure, sauf qu’on n’ était pas déguisés et que nous ne jetions pas des sorts si on ne nous donnait rien ; des chocolats par ci une petite pièce par là, on revenait contents comme tout à la maison.
Maryse, Clotilde, Yves, Marcel, Raymonde sommes devenus des ados, c’était pas encore le temps des yé-yé mais déjà Dalida chantait Les enfants du Pirée, Léo Ferré Jolie Môme, Paul Anka Diana, les Platters Only you , le rock and roll venait de faire son apparition et il était « around the clock »avec Bill Haley. Un après midi, j’allais à la piscine Campos (route d’Ain Tindamine) j’avais le transistor emprunté à mon oncle Juan le frère à ma mère, je rencontre André Castellon qui allait se baigner aussi, nous avons fait le chemin ensemble et nous avons entendu cette chanson « jolie môme » la voix de Léo ferret et le texte, nous avons trouvé ça « extra ». Dédé est plus âgé que moi, cette année là, pour se faire de l’argent il donnait des cours de vacances et, justement j’allais chez lui travailler les maths ; je portais une chevalière au doigt, un jour il me demande, tu peux me la prêter, moi très gentiment je lui passe la bague, quelque temps après il me la rend, nous étions un groupe dont Marcel Encinas, celui-ci me dit tu peux me la prêter, je ne pouvais pas refuser alors que j’avais dit oui à Dédé ! et en plus c’était vraiment sans malice aucune, ma mère l’a appris par une chéqueme (rapporteuse) je me suis faite incendier, elle a ensuite été voir la mère de Marcel, dix minutes après je te vois arriver devant la maison la délégation, ma mère, madame Encinas, Marcel rouge de confusion ; on me fait venir et là j’entends :
-rends lui sa chevalière, que mon fils c’est pas un voleur !
-mais je lui ai prêté !
-toi, tais-toi
Il m’a rendu la bague, sans un mot, nous étions tous les deux honteux, et dépassés par cette histoire. ça ne nous a pas empêché par la suite d’être copains.
C’est Yves Talence qui a fait la première surprise-party, on dit maintenant une « boum ». Il avait invité deux copains du lycée de Sidi Bel Abbés et, je me rappelle de Roland Butteau, il avait souvent cette réflexion : Agua ! et moi je lui répondais : vino ! et on rigolait avec l’insouciance de la jeunesse. Il y a eu d’autres « boum » et je pense à celles qui ont eu lieu dans la salle de classe maternelle, la directrice nous la prêtait, je venais danser à l’insu de mes parents qui n’auraient pas compris que j’aille sans chaperon. Il n’y avait pas d’alcool, ni tabac et ça ne nous empêchait pas de nous amuser et de rigoler. La mode était aux jupes gonflantes, pour qu’elles soient bien bouffantes on mettait un jupon en crin de nylon (ça grattait) et le vêtement était amidonné avec de la farine de lin et surtout fin du fin, il fallait repasser un peu humide ! pour danser ça allait, mais pour s’asseoir c’était pas très pratique.
Yves, Gérald Constant, et quelques autres ont monté un orchestre, ils se sont produits au café Munoz qu’avait repris Joseph Ortega, la salle était à l’étage (si j’ai bonne mémoire) il y avait beaucoup de monde, les militaires venaient au bal, beaucoup de jeunes filles du Télagh ont trouvé l’âme sœur grâce aux bals.
Je ne peux pas parler des bars du Télagh sans évoquer « la tournée des grands ducs » ! cela consistait à faire en une soirée, la tournée de tous les établissements du village. Ce n’est pas offenser la mémoire de mon père que de dire qu’il a fait partie de ces « ducs », monsieur Espinosa, monsieur Edmond Garcia, et le musicien du groupe, monsieur TCHOUMINO. Point de départ café de madame Perret, suivaient , Ramon Bernabeu, Munoz-Ortéga, Bamy, Segura, Campos, et Bucher. Papa m’a raconté, qu’à l’issue d’une de ces tournées des « grands ducs » Tchoumino les invite à souper chez lui, ils arrivent chez leur hôte, sur sa table de la ferraille partout, il la pousse un peu, il les fait asseoir, il prend son accordéon et là il commence à jouer « tira pépé, tira juan » et ça dure, les estomacs excités par la « majia » (anisette) criaient famine, alors l’un d’entre eux ose demander :
-on mangerait pas maintenant !
et tchoumino de répondre :
-ça vous suffit pas ma musique ! poh joël (morbleu)
Et tout le monde de regagner son doux foyer.
Chez madame Perret, il arrivait que « les ducs » commandent l’anisette comme on commande du tissus.
-Gilberte un mètre d’anisette !
un certains nombre de verres étaient servis sur cette longueur désirée et ces messieurs, avaient tout le temps de parler à leur guise, le verre à portée de main, sans avoir à refaire servir la tournée.
Chez madame Perret il y avait aussi un curieux personnage répondant au nom de HAMDI. Il buvait en solitaire au point de tituber quand il repartait chez lui, il avait une méthode personnelle pour franchir la porte : il arrivait péniblement en face de la porte, il se mettait au garde à vous, il prenait son élan et hop il se retrouvait à l’extérieur, eh bien là s’il vous plaît, il se retournait vers l’assistance, et avec un salut militaire il s’exclamait :
-RAMDI ! tojors plous fort !
Les dimanches à partir de 17 heures tout le monde se mettait sur son 31 pour pratiquer « le boulevard » ! ça consistait à descendre et monter la rue principale sur une certaine distance en l’occurrence, de la gendarmerie jusqu’au café l’Escale (chez Séraphin et Hortense Segura). Chemin faisant les langues allaient bon train :
-anlle, t’yas vu celle là comme elle est maquillée ? on dirait un carnaval !
-et celui-là le pauvre, il a sorti le pantalon de sa première communion !
et je ne parle pas des mémés assises devant leur porte, qui plissaient les yeux et avançaient la tête pour mieux voir et pouvoir critiquer. Ça faisait partie du folklore et ce n’était jamais méchant. On faisait une petite pause, en s’asseyant sur la murette de la place parce que si on était rentrés s’asseoir sur les bancs, on aurait tout loupé ! les terrasses de café étaient pleines, les glaces étaient bonnes, tranches napolitaines et autres cornets à la pistache et moi gourmande devant l’éternel, je dois au mélange glaces et caramels Kréma, une terrible indigestion (on dirait maintenant une gastro) qui m’a guérie pour longtemps de ces deux sucreries.
Les sucreries je les achetais le plus souvent chez Sirventé, je disais qu’on m’en excuse « la grosse Munoz ». Les gros chewing-gum Globo étaient quelquefois gagnants alors, on en avait un autre, on te faisait de ces bulles que des fois quand elles éclataient tu en avais plein la figure, le pire c’est quand on s’endormait avec et qu’au petit matin on se réveillait les cheveux tout collés ; il y avait les rouleaux de réglisse avec le petit pois de couleur au milieu, les petits caramels à 1ct de franc, les sucettes au lait, les coquillages à sucer, les gros caramels pâtissier, les rochers Suchard, bref si on me donnait des sous j’avais vite fait de les investir !
A côté de la marchande de bonbons, il y avait la librairie Bernabeu, les parents à mon amie Eliette, c’est Raymonde, sa sœur, qui servait, j’allais m’acheter des mickeys, pipo, double rhum, les pieds nickelés, etc une fois lus on les échangeait avec les voisins ; un peu plus tard j’ai commencé à m’intéresser à Jour de France, on voyait les vedettes et les gens du grand monde, le mariage de Rainier et Grâce de Monaco, la naissance de Caroline, les premières photos du beau Johnny. Au café Ortega il y avait un scopiphone, et on voyait Johnny se déhancher en chantant « Laisse les filles »
Elle était pas belle la vie, en Algérie ?
VIRAZEIL, 22.02.2008
Pour ma famille, mes amis Télaghiens, et tous les invités du site à
JULIO COLETTE GARCIA-TEULET
EL CARICO A JULIO
Des Souvenirs enfouis dans ma mémoire, resurgissent les jeux avec lesquels nous avions l’habitude de jouer au milieu des années 1950 au TELAGH en Oranie .
Se présentaient à nous plusieurs choix: la Toupie, le Pitchack , les Pignols , le Carrico , le Stack , dont je vous ferai une rapide description dans l’autre chapitre.
Ma préférence allait au Carrico mot espagnol qui signifie « petite charrette » diminutif de Carro ( chariot ) dont j’étais un fervent adepte et qui me procurait des émotions très fortes.
Il s’agissait à l’aide de cet engin diabolique de dévaler à tombeaux ouverts la rue au dénivelé important ,afin d’accentuer la vitesse de notre Carrico.
Cette descente infernale se situait sur la Nationale 13 à la sortie du village vers la demeure de mon grand-père Bautista Parra direction Sidi Bel Abbès .
Encore fallait-il posséder ou avoir construit son petit bolide qui se composait de matériel simple : une solide planche ,un morceau de chevron ,trois roulements à billes faisant office de roues, un gros boulon avec écrou et rondelles, quelques clous et une petite corde.
La difficulté majeure était de se procurer des roulements à billes, mon fournisseur préféré Mr Asencio dit » Goubi » avait son garage à coté de la menuiserie Lucas Parra et du bar à mes parents « L’Escale » .Non content de nous offrir ces précieux roulements ,et devant nos difficultés il nous aidait à les fixer sur le chevron avant.
Dans sa phase finale notre Carrico avait fière allure ,en forme de croix avec sa planche rectangulaire ou nous étions assis, deux roulements fixes à l’arrière, un à l’avant au milieu du chevron ou nous posions nos pieds et qui permettait de tenir le cap.
La manière la plus impressionnante et dangereuse était celle ,ou allongé sur la planche, en tenant ses jambes parallèles au sol, je dirigeai l’engin avec mes avants bras , le sol défilait sous nos yeux à une vitesse folle accompagné d’un bruit infernale .
La descente était très rapide ,mais une fois en bas ,il fallait prendre son Carrico sous les bras ,remonter la cote ou nous attendaient impatiemment les copains ,et recommencer à maintes reprises pour notre plus grand Bonheur, ils nous arrivaient d’être suivis ou de croiser des voitures peu nombreuses il est vrai.
J’ai appris beaucoup plus tard que certains villages organisaient des courses de Carrico le dimanche ou jour de fêtes, certains de ces petits bolides avaient un équipage avec deux ou trois petits garnements .
Ces Carricos plus imposants atteignaient de grandes vitesses du au poids de son équipe ..mais là dure ….dure serait la chute……
ah! ….Souvenirs …..Souvenirs …
Jules SEGURA
Le 17.02.2008
SOUVENIRS DU TELAGH LOUIS AMOURIQ
L’échange de quelques phrases au téléphone avec d’anciens habitants du Telagh , a suscité en moi, une intense émotion agréable, accompagnée d’une évocation soudaine d’une partie de mon PASSE .
LA GRANDE FAMILLE DU VILLAGE .
Après avoir quitté, plutôt abandonné le Télagh en 1961 , je me suis rendu compte au fil des années, que les européens du village étaient les .membres d’une même famille .
Beaucoup de familles établissaient un réseau de relations privilégiées parmi les membres de cette grande « smala « .
D’autres familles plus discrètes, plus repliées sur elles- mêmes, restaient solidaires par la pensée avec tous les habitants du village. I
C’est ainsi qu’une chaîne de sympathie s’était créée parmi la population du village .
VOICI QUELQUES EVENEMENTS ILLUSTRANT MA THESE SUR LA SOLIDARITE DE TOUS LES TELAGHIENS .
LES CLOCHES DE L’EGLISE
Lorsque la cloche de l’église annonçait par le glas le décès d’une personne, une grande émotion nous saisissait .Nous cherchions à connaître le nom de la famille endeuillée. Chez nous, bien souvent, un paquet de bougies était adressé aux proches du défunt .Lors du passage du convoi funèbre, un grand frisson parcourait tout notre corps, en percevant, les pas cadencés des accompagnateurs et la voix du prêtre psalmodiant les prières des morts.
LE MARIAGE
Lors d’un mariage les cloches de l’église carillonnaient et les habitants étaient avertis qu’un événement heureux se produisait.
Tout le monde se réjouissait de la nouvelle .Beaucoup d’enfants se rendaient à l’église et attendaient la sortie du cortège pour déguster quelques dragées .
L’ENTRAIDE ENTRE DES GARCONS DE DIFFERENTS MILIEUX .
L’événement se déroule en 1931. En passant devant une maison de personnes peu fortunées, deux garçons surgirent et nous demandèrent ( à mon frère et à moi) poliment, de bien vouloir les accompagner au bosquet, pour effectuer une corvée de bois. Nous étions en saison hivernale.
Leur proposition fut acceptée .
A notre retour, le papa de ces jeunes garçons prit une miche de pain et donna à chacun de nous une généreuse tranche. Soixante ans après, j’éprouve un certain remords d’avoir accepté cette récompense. Je suis persuadé que ce pain dévoré par mon frère et moi, leur fit défaut au moment du souper. Mais comment des enfants de 8 à 6 ans pouvaient-ils refuser, ce qu’un père leur donnait si généreusement ?
LES FOSSES SEPTIQUES.
Au Télagh , jusqu’aux environs de l’année 1945, les fosses septiques étaient entretenues par des vidangeurs aux méthodes moyenâgeuses .
Ces personnes au travail ingrat étaient au nombre de 3 .
Le chef d’équipe rongé par la solitude, s’enivrait périodiquement. Pendant ses crises d’éthylisme, il provoquait les passants et déchaînait la fureur de petits voyous .Une véritable bataille de pierres s’organisait .
Le chef d’équipe et l’européen adjoint au premier, étaient aidés par un arabe boiteux .Ce dernier personnage était surnommé le boiteux , voleur de poules .
L’européen adjoint au chef d’équipe menait une existence misérable. Vers les derniers jours de sa vie, il était hébergé à l’infirmerie fréquentée uniquement par des arabes .
Un jour de printemps par une chaude journée, ce pauvre hère s’était allongé à même le sol, près de l’école des filles .
Accompagné d’un camarade européen et de deux camarades arabes, nous nous étions attendris sur l’état de ce pauvre personnage .Soudain, l’un des deux arabes, inspiré par le démon
proféra des paroles odieuses accompagnées par des gestes abjects, à l’égard de ce pauvre déshérité .
Surpris par l’attitude bestiale de cet individu, j’assistais sans broncher à ce lynchage .
Aujourd’hui , 70 ans après, je me reproche cette attitude .Avec du recul ,je pense que j’aurais dû intervenir et rompre mes relations avec cet énergumène .
UN INSTITUTEUR QUELQUE PEU SINGULIER .
Vers les années 1935 , j’ai eu le triste privilège d’être l’élève d’un instituteur un peu bizarre !
Ce pédagogue se présentait sous une double étiquette .
OPERATEUR CINEMATOGRAPHE
Il eut le mérite de se démener pour acquérir un cinéma parlant. Les séances de projection de films intéressants occupèrent en partie, les loisirs des élèves et de la population .
LE MINABLE PEDAGOGUE
C’était un anarchiste « ni foi ni loi « .Il paraissait vouloir endoctriner ses jeunes élèves. Il ne parlait que de la Révolution de 1789 .
Cette brute avait des procédés anti-pédagogiques .Il giflait, il tirait les oreilles, il nous humiliait par des termes peu élogieux .
Elève très timide, lorsqu’il s’intéressait à moi, il me terrorisait, au point qu’il interrompait mon courant mental. Autrement dit, il me rendait incapable de l’écouter et de réfléchir. Aujourd’hui,
que j’analyse son attitude en tant que psychophysiologiste , je la classe dans la rubrique des harcèlements psychologiques.
Les agissements de cet ignoble instituteur ne s’arrêtaient pas là. Anticlérical ( il s’en vantait) le jour de la catéchèse, il nous retenait pendant un quart d’heure après la sortie des classes pour irriter notre aimable prêtre !
L’EQUIPE DE FOOTBALL .
Vers les années 1935, le village possédait une équipe de football solidement charpentée par les frères Bernabeu .
Attentif au score de cette équipe, j’éprouvais un sentiment de joie lorsqu’elle remportait une victoire .
Je me souviens du différend entre l’ingénieur Arneau et p .Bernabeu .Chacun de ces deux rivaux voulait diriger l’équipe. Ce malentendu se dissipa et l’équipe retrouva sa sérénité .
LE JOUR DU MARCHE
Le marché aux bestiaux
Le marché avait lieu le dimanche. Il était intéressant de se rendre prés du marabout de Sidi-Bouchakor, pour assister au marché aux bestiaux .Outre les palabres échangées entre le vendeur
et l’acheteur, il était curieux d’observer comment s’opérait l’appréciation de l’état physique de la bête. Par de multiples palpations dans différentes régions du corps, l’acheteur ayant évalué approximativement le prix de la bête, faisait une proposition au vendeur .
LA FOIRE
Sur la place, prés du Palais de justice, se déroulait une espèce de foire. Un brocanteur proposait des vêtements défraîchis. En outre, nous pouvions observer la conduite du phytothérapeute , celle du charmeur de serpents et enfin celle du bijoutier équipé de sa forge .
LA TRANSHUMANCE
Vers le mois de juin dans la rue principale du village, nous remarquions de temps à autre, la descente des transhumants vers les régions littorales du département d’Oran .
Ce défilé pittoresque était composé pêle-mêle, d’hommes, de femmes, d’enfants, de moutons, de chèvres et de dromadaires. Cette foule disparate se déplaçait- rapidement dans la rue du village,pour ne pas gêner la circulation des véhicules .
Les dromadaires faisaient l’objet d’une attention particulière. Ils portaient des palanquins, sorte d’habitacle protégeant les filles vierges, du regard des hommes .
Les européens et les arabes appelaient ces transhumants des « Hamiyen » c’est-à-dire des personnes venant des pays chauds .
Le terme « Hamiyen » a pour racine « hâmi « signifiant
chaud.
LES FÊTES DU VILLAGE
Les fêtes du village se déroulaient le dernier week-end du mois d’août .Les festivités duraient deux jours. Pendant ce laps de temps, les travailleurs rompus à de durs travaux, oubliaient les affres de leurs métiers .
Après la fin de la 2e guerre mondiale, les Fêtes des années 46 -47 -48 , marquèrent intensément les débuts de ma période adulte. A l’époque j’étais un étudiant, cherchant désespérément une sémillante créature, qui aurait pu partager mon existence .
Je dus attendre l’année 1949 pour rencontrer une admirable étudiante d’origine espagnole, amie intime de ma cousine, aujourd’hui ophtalmologiste .
Je me souviens avec beaucoup d’émotion de l’orchestre LASSORT -GARCIA, qui fit danser , pendant de longues années, la jeunesse de l’arrondissement de Sidi Bel Abbés .
Je rends hommage aux ravissantes jeunes filles qui ont désiré être mes cavalières pendant cette exceptionnelle période .
Lors de ces « SERIES TANGO « le trouble émotionnel ressenti et partagé par ma fascinante cavalière, l’était d’autant plus , que la
charmante Rolande GARCIA accompagnait de sa voix envoûtante la musique de cet orchestre réputé .
A cette époque le tango qui ravissait les coeurs s’intitulait « JE VEUX ENTENDRE UNE DERNIERE FOIS TA VOIX«….
En ce temps là, les INTERDITS SOCIAUX ABSURDES ( Pression sociale – Rumeur publique ) empêchaient la jeunesse de s’exprimer sentimentalement. Ces interdits devenaient dans ces conditions un agent stresseur, c’est- à dire engendraient chez les individus un stress ( perturbation de tout le système neuro – endocrino -homéostasique ) .
Si les interdits avaient été levés, je pense aux fascinantes jeunes femmes et aux adorables jeunes filles, que j’aurais pu serrer contre une de mes épaules deltoïdées , au son d’un air de tango langoureux.
LES TEMPS FORTS DU BAL
LE LANGAGE DES DANSEURS
Le bal de la fête durait environ 5 à 6 heures. Les danseuses et danseurs qui s’unissaient pendant toute la durée du bal, pratiquaient mieux que les couples fugitifs, deux sortes de langage ( le langage parlé et le langage tégumentaire ) .
LE LANGAGE PARLE :
Au cours des danses successives et suivant le degré d’affinité entre les partenaires, des propos de différentes nature étaient échangés .
LE LANGAGE TEGUMENTAIRE :
Par le contact de la peau, les partenaires pouvaient se transmettre des sentiments profonds de l’un à l’autre. Le cavalier en saisissant de sa main gauche, la main droite de sa partenaire, par le jeu de pressions de différentes intensités, il pouvait transmettre une indication sur ses divers états d’âme .
La communication tégumentaire se parachevait par la pression de la main droite du cavalier sur les régions dorsale et lombaire du corps de la cavalière.
Le joue contre joue contact suprême entre les deux partenaires, n’était pas pratiqué dans nos localités. Pour satisfaire de vieux principes de comportements erronés, les jeunes devaient s’aimer en respectant ces vieux tabous.
LA SEPARATION DES PARTENAIRES A LA FIN DU BAL
Les moments qui précédaient la séparation des couples devenaient insupportables , voire stressants.
.Certains signes précurseurs, nous prévenaient de l’imminence de l’événement .
Le ciel étoilé bleu de Prusse changeait d’aspect et devenait bleu clair, laissant entrevoir la venue des premières lueurs de l’aube. Le bruit des charrettes des agriculteurs allant au champ, laissait présager que la fin de la partie de plaisir était proche. Certains musiciens tout en restant sur le kiosque, rangeaient leurs instruments dans les étuis. Seuls l’accordéoniste, le saxophoniste et le trompettiste donnaient encore quelque espoir aux amoureux, qui imploraient les Forces Célestes d’éterniser ces moments délicieux, sensuels et voluptueux .
Le moment fatal arriva, au cours de la dernière danse, je fredonnais mentalement l’air du Tango lascif, langoureux, envoûtant « JE VEUX ENTENDRE UNE DERNIERE FOIS »
A la fin de la soirée, pour respecter les règles du savoir vivre, je me séparais de ma cavalière en lui serrant la main. Je la regardais tristement rejoindre ses accompagnateurs et je me dirigeais
vers le domicile de mes parents .
LE TELAGH , TERRE DE MES AMOURS.
Je pense aux objets inanimés, les murs des maisons et aux êtres animés, les arbres des rues et des places et la nature avoisinante. Tous ces éléments, d’une manière mystérieuse ont enregistré ma voix et l’image de mon corps, comme celles de mes compagnes .Ils représentaient le support affectif de nos relations. Ne persistent de ces traces, que les événements engrammés dans ma mémoire .
Aujourd’hui plus rien n’existe: la dépersonnalisation de nos demeures, de nos villages, la mutilation, le saccage de la dernière demeure de nos chers disparus. L’oeuvre de nos anciens pionniers est sur le point de disparaître .
Mon récit est terminé. Je vous est présenté une infime partie de l’histoire de notre Télagh et surtout l’histoire de mon Télagh .
Louis AMOURIQ
LES CANARIS DU MEUNIER
Qui se souvient du meunier du Telagh dont je ne me souviens plus le nom , ah oui Alonzo ! ! . Nous allions lui porter du blé tendre ou dur issu de la récole de nos parents pour qu’il nous transforme ces grains en de la bonne farine à pains ou à mounas .
Il avait une cage à l’entrée du moulin avec des canaris . Pour que ces oiseaux puissent boire, il leur avaient installé un abreuvoir à l’extérieur de la cage en forme de puits . Un dé à coudre trempait dans l’eau de cette réserve . A ce dé était relié une ficelle avec pour point haut le bout d’un perchoir dans la cage. Il fallait donc que ces braves canaris hissent avec leur bec cette ficelle jusqu’à leur hauteur pour pouvoir s’abreuver avec avidité dans le « seau » d’eau .
Ils s’y reprenaient à plusieurs reprises et à chaque mouvement de tête vers le haut maintenaient avec une patte la cordelette .
Je ne me lassais pas de regarder et d’admirer ces oiseaux qui avaient compris le système de puisage tout simple pour les humains mais certainement peut utilisé dans la nature !..
Amitiés .
Norbert TOGNET
JEUX D’ENFANTS EN ALGERIE
Un petit résumé et condensé des principaux
jeux pratiqués en Algérie par les jeunes enfants Pieds-Noirs.
Ces textes ne sont pas tous de moi ,j’ai simplement apporté des petites notes personnelles ,j’ai glané par ci par là des informations et petits détails pour faire découvrir à certain, quelque jeux de rues que nous avions étant enfants en Oranie .
Justement à la fin des différents jeux ,j’ai trouvé une vidéo sur youtube forte intéressante retraçant d’autres jeux .
Merci à Alain de Mers El Kebir pour cette belle vidéo que l’on peut voir sur mon Site personnel.
LE PITCHACK
Le jeu Pitchack est avant tout un jeu d’adresse, il fallait le faire sauter avec les pieds, les genoux comme on jongle avec un ballon de Foot .
Comme pour tous les jeux d’adresse, il fallait être très habile et beaucoup de pratique pour apprivoiser cette boule d’élastiques assez légère.
Le jeu consistait à faire le plus de jongles possibles.
Les virtuoses rajoutaient des figures de style en se servant de toutes les parties du corps pour faire rebondir le Pitchack , tête ,genoux ,cuisses ,épaules ,.
Fabrication du Pitchack
Il faut une chambre à air de vélo, découper de petits bracelets et les assembler avec une ficelle.
Cet amas de rondelles découpées donnait à l’engin de la souplesse et de l’élasticité qui facilitait les rebonds.
La chambre à air découpée en rondelles.
Dans les cours de récréation, comme dans la rue de véritables championnats s’organisaient .
Il y avait des virtuoses du jongle qui ont dû par la suite devenir d’excellents footballeurs.
LES NOYAUX D’ABRICOTS
» LES PIGNOLS »
Le petits tas.
Il se composait de 3 noyaux assemblés et le 4ème dessus.
Le « Banquier » (en quelque sorte) mettait en jeux 4 noyaux que l’on pouvait remporter avec un seul .
Le joueur devait à une distance de 3 mètres disloquer le petit tas en lançant le noyau un peu comme à la pétanque.
Le Tuyau.
Les noyaux étaient placés dans un tuyau de descente des eaux de pluie.
Le match opposait deux joueurs un à l’autre.
Le nombre de noyaux était fixé par les deux joueurs.
Chaque joueur était accroupi de chaque coté du tuyau et lançait à tour de rôle son noyau dans la goulotte.
Plusieurs variantes régissaient la manière de jouer avec la descente d’eau, L’une d’elle était que celui qui chassait le dernier noyau de la goulotte ramassait la totalité des noyaux en jeu.
La variante était intéressante parce que les deux positions de chaque coté du tuyau ne présentaient pas les mêmes difficultés pour deux droitiers par exemple.
Afin d’éviter beaucoup de problèmes on choisissait souvent d’alterner pour que le jeu soit plus équitable.
LES CARRICOS
Heureux celui qui pouvait se procurer les précieux roulements à billes auprès d’un mécanicien qui permettait de fabriquer les CARRICOS ( petites charrettes ) diminutif de Carro qui veut dire en Espagnol ( Chariot ).
Les roulements avant étaient fixés sur une barre mobile autour d’un axe vertical, il permettait de guider le Carrico.
Le gouvernail était lui même fixé sur un timon à l’aide d’un gros boulon. Sur le timon était fixé le plateau avec ses deux roues arrières qui elles étaient fixes.
Heureusement au Telagh les descentes étaient nombreuses avec un dénivelé largement suffisant pour nous permettre de prendre de la vitesse avec nos carricos et d’éprouver des sensations fortes .
LE STACK
( Etait-ce vraiment un jeu ) .
Pour fabriquer le Stack , il fallait choisir une fourche en bois d’olivier, le façonner pour lui donner cette forme arrondie.
On gardait l’arrondi par brûlage qui séchait le bois en lui donnant cette robustesse qui caractérise l’olivier.
Le matériel : l’élastique carré ou gomme , du cuir souple et de la ficelle.
On découpait dans le cuir la poche qui recevait les projectiles en général des cailloux ou billes .
On découpait également deux bandelettes de cuir que l’on fixait sur branches du stack et sur lesquelles on fixait l’élastique.
Ces bandelettes évitaient le cisaillement de l’élastique quand il était directement fixé sur le bois.
Certains étaient très adroits, ils déquillaient les cibles avec un précision extraordinaire.
Beaucoup de petits oiseaux y ont laissé les plumes.Les pauvres .
LA TOUPIE
Je ne me souviens plus où on achetait nos toupies peut être à la quincaillerie Nanclares à coté du bar à mes parents sur la Nationale 13 ou dans une autre boutique au Telagh .
On achetait la toupie mais on ne l’utilisait pas tel quel, il fallait la préparer.
Je me souviens certaines étaient brutes et nous pouvions les décorer afin de les personnaliser.
La toupie était surmontée d’une tête que l’on coupait.
La seconde étape, la plus délicate enlever le clou trop pointu et le remplacer par un autre plus long et d’un diamètre plus gros. La difficulté de cette opération venait du fait qu’il fallait enfoncer le clou suffisamment pour qu’il tienne bien sans que la toupie éclate fendue en deux.
La dernière étape, scier le clou généralement d’un longueur d’un demi centimètre, puis arrondir et polir l’extrémité.
La réussite n’était pas toujours assurée, il fallait que la toupie soit équilibrée pour qu’elle tourne sans bruissement d’air et qu’elle soit douce quand elle tournait dans la main.
La toupie était actionnée par une cordelette qu’on enroulait soigneusement, puis on jetait la toupie sans lâcher la ficelle ce qui donnait à la toupie son mouvement rotatif.
On jouait à Tchouk Tchouka, ce jeu consistait à faire avancer la toupie d’un joueur hors d’un cercle.
Il fallait déplacer la toupie au sol uniquement sous le choc entre toupies, sans toucher la toupie au sol avec la main.
Sous les coups (parfois violents) assénés par la toupie du lanceur, il arrivait parfois que la toupie à terre fende, ce qui nous a valu quelques empoignades.
Et bien d’autres jeux encore ……..
Jules SEGURA
NOTRE DEPART D’ALGERIE UN ETE 62
Après tant d’Années de Silence.
Envie de Raconter à qui, pour qui ……..à nos Enfants, Petits Enfants, ou peut-être tout simplement ,à moi-même !.
Non je vous dis que Non, Non je n’ai pas de bête, pas de Chien, et n’en aurai jamais plus…!
Depuis l’Algérie Le Telagh mon village natal où nous avons été obligés de tout abandonner, même mon chien que nous avions baptisé Tarzan, laissé sur le trottoir devant le bar, il hurlait à la mort pendant nos préparatifs de départ, dans la nuit de juillet 1962.
Il nous a suivi un très long moment, courant derrière la voiture à perdre haleine dans la descente en bas du village qui menait à Sidi Bel Abbés.
Avec mes soeurs et mon frère, nous le quittions plus des yeux au travers de la vitre arrière, et dans le vacarme que faisait le moteur dans le silence de la nuit, nous sentions le long de nos joues couler de petites larmes, en sanglotant nous étions blottis les uns contre les autres.
Au bout de plusieurs mètres notre Tarzan capitula et s’arrêta net, haletant, exténué par cette longue course inégale face au bolide de mon père, vous pensez une Peugeot 203 !!, dont la conduite s’est avérée très nerveuse ce soir là.
Un silence lourd régnait tout le long du trajet, nous avions sur notre galerie, où porte-bagages, un matelas roulé comme un saucisson, deux valises, une malle en tout et pour tout .Notre première destination, nous devions traverser Sidi Bel Abbés située à 60 kilomètres au Nord du Telagh, mon Dieu que ce trajet fut long et pénible dans cette atmosphère si lourde et pesante dans la 203 grise.
Chacun d’entre nous, repensions à ce que nous n’avions pas pu prendre faute de place, on aurait aimer tout prendre comme dirait certain, certes notre voiture était assez confortable pour l’époque, mais avec quatre enfants dont moi le plus âgé 16ans et le plus jeune 7 ans, il ne restait plus beaucoup d’espace pour d’autres bagages même de fortune ,sur la banquette arrière.
Mon père refaisait constamment le point concernant l’itinéraire, car il nous fallait ensuite rejoindre la ville d’ Oran, située à environ 80 kilomètres me semble t-il, tiens je crois d’ailleurs que nous étions immatriculés en 9 G pour l’ Oranie et 9 A pour Alger.
Oran, après avoir franchi de multiples barrages, subit plusieurs fouilles et vérifications de papiers par la Police locale et membres du F L N ( Front de Libération Nationale ), nous traversions certain quartier complètement en ruine suite aux opérations de destruction appelées « Terres Brûlées » pratiquées par l’ O A S
( Organisation Armée Secrète ).
Nous pouvions apercevoir d’épaisses fumées noires qui s’élevaient dans le ciel avec une odeur désagréable de caoutchouc brûlé et de mazout. Nous étions loin d’être rassurés, car au loin nous entendions plusieurs explosions accompagnées de tirs de fusils et d’armes automatiques.
Arrivés enfin au Port d’Oran, d’énormes paquebots étaient à quai comme le Ville D’Oran, Le Kairouan, les quais étaient noirs de monde, des milliers de personnes attendaient leur tour d’embarquement avec au sol leurs valises ,des malles ,des matelas.
Après moultes palabres et heures d’attente, pour finalement nous entendre dire qu’il n’y avait plus de place pour nous, mais restait encore des places disponibles pour l’embarquement de voitures à destination de Marseille, Sete, Port-Vendres.
Très difficile pendant cette période d’obtenir des billets de bateau ou d’avion tout était complet, les départs furent tellement massifs et inattendus, il faut dire que personne n’avait envisagé un départ aussi soudain, ça nous semblait tellement irréel de tout quitter, de tout abandonner, personne n’y croyait vraiment jusqu’à l’ Indépendance du 1er juillet 1962.
Aujourd’hui je suis choqué et je m’aperçois, que notre village se vidait petit à petit ,et que tout le monde partait le plus discrètement possible, même parmi nos proches ,amis ,chacun avait peur d’annoncer son départ , Peur !! , Peur de quoi, une fuite, des représailles, n’oublions pas également que certain ont du fuir précipitamment suite à des menaces réelles ou fictives pour s’emparer de nos biens….est-ce pour ne pas compromettre la sécurité de notre fuite ? que sais-je !!! .
C’est le choix par obligation, que mes parents ont fait comme tant d’autres, d’envoyer le véhicule sur Marseille et prendre l’avion ,de ce fait nous nous sommes rendus à l’aéroport d’Oran La Senia, où nous avons pu obtenir des places ,après pas mal d’attente au milieu d’une foule nombreuse .
L’avion en partance pour la France, Aéroport de Marignane près de Marseille, était je m’en souviens comme si c’était hier ,une Caravelle en très bon état ,par contre subsiste un doute et ma mémoire me fait souvent défaut ,s’agissait-il de Air Algérie je crois que oui ,ou Air France ? en 1962.
C’est avec une certaine appréhension et curiosité et je dois dire ,avec fierté que nous montions à bord de cet énorme oiseau ,c’était bien sûr notre premier vol.
Je le dirai souvent je crois, nous étions nous, enfants inconscients, moi un peu moins peut-être, vu mon âge par rapport à mes soeurs et frère ,nous nous apprêtions à nous envoler vers un Pays certes La France notre Pays ,mais inconnu de tous du moins des jeunes générations.
Car la plupart de nos pères Pieds Noirs ont foulé le sol Français, comme mon père et tant d’autres le 6 Juin 1944 lors du débarquement en Normandie avec la 2e D.B Division Blindée du Général Leclerc pour enfin libérer notre Capitale Paris et terminer par la Libération de Strasbourg, et revenir certain seulement, une fois leur devoir de citoyen français accompli vers Le Telagh leur village natal.
Une fois sur le sol de l’aéroport de Marignane, il fallait nous rendre au Port de Marseille pour récupérer la voiture, au milieu des containers en ferrailles certains éventrés, valises , malles, matelas au milieu d’une foule triste en pleurs ,perdue , déracinée ,composée de jeunes enfants ,de bébés ,de grands-pères ,de grands-mères, de vieillards, d’handicapés ,au milieu de milliers de malles ,valises, pour ceux qui ont pu ramener quelques affaires .
Cette foule était composée et représentait toutes les nationalités ayant vécu en Algérie, Français, Espagnols, Italiens, Juifs, Musulmans, Harkis, Maltais, Siciliens, Sardaigne, Corse .
Des attentes interminables, de multiples démarches sur les quais à faire avant de prendre possession, pratiquement de notre seul bien de valeur que nous ayons pu ramener.
Personne ,pas une âme chaleureuse pour vous accueillir à notre arrivée ,au contraire nous avons été maudits ,insultés ,traités de sales Pieds Noirs, accusés par la suite de nous accaparer de leur travail ,leur logement ,leur fille ,parait-il tous de gros et riches colons , des colonisateurs .Tu parles…. !
On semble oublier que l’Algérie ,ou faut-il le dire et le redire c’était la France ,la population était également composée de Fonctionnaires ,d’Ouvriers ,de Postiers ,Cheminots ,Gaziers ,Enseignants ,de Médecins, Banquiers, Ingénieurs ,Policiers ,et Gendarmes et j’en passe ,tout simplement le reflet de toute Société.
Personne n’avait pensé à cette arrivée massive des Pieds Noirs quittant subitement l’Algérie, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran où de nombreux Européens furent assassinés, ne fit qu’accélérer l’exode de plus d’un million de personnes. Et bien sûr rien n’était prévu, les structures d’accueil ont été longues à se mettre en place volontairement ou pas par certain Maire paraît-il comme celui de Marseille Gaston Defferre qui voulait rejeter Tous les Pieds Noirs à la mer.
Dans sa déclaration dans Paris Presse le 22 juillet 1962 ,il aurait déclaré que Marseille avait 150 000 habitants de trop « Que les Pieds Noirs aillent se réadapter ailleurs ».
Faute de structures d’hébergement les premiers soirs avec beaucoup de difficultés nous n’avions pas d’autres alternatives ou solutions que d’aller dormir à l’hôtel, vers la Canebière et la gare St Charles où certain hôteliers n’hésitent pas à pratiquer les prix forts en profitant de cet afflux de « Touristes « .
Une fois le véhicule récupéré, nous sommes partis à Perpignan, après un long séjour en pension familiale vers les cabanes de Fitou dans l’Aude ,pour trouver enfin un logement et travail dans les Pyrénées Orientales devenues notre Terre d’accueil au Boulou précisément ,et notre intégration s’est tellement bien faite que nous avons tous pris pour époux et épouses ,catalans ou catalanes, Pays où il fait bon y vivre ,même si j’ai du à nouveau m’expatrier en Région Parisienne 1970 pour suivre mon épouse qui avait obtenu un poste d’enseignante.
Avant de terminer mon histoire, je voudrais rendre Hommage à mes Parents, à tous les Parents Pieds Noirs, ou pas Pieds Noirs qui ont connu cette Tragédie Humaine, l’Exode de 1962.
Il faut leur rendre Hommage ils ont su avec courage et bravoure, redémarrer à zéro, sans jamais rechigner, pour rebâtir, reconstruire, sans oublier leur tâche principale nous élever, nous donner une éducation, un travail tout ça dans la dignité et la fierté avec peu de moyens le tout sans Haine ni Rancune et avec Amour…Nos Aieux n’étaient-ils pas tous des Pionniers ?, rien ne les arrêtaient même les taches les plus ardues .
Un grand Merci à tous nos parents pour leur réussite, leur parfaite intégration en se fondant dans la masse le plus discrètement possible ,en oubliant même leur origine de peur d’être montré du doigt et traités de » Sales Pieds Noirs « ..
Aujourd’ hui heureusement nous en rions encore.
Grâce à eux, à leur sens de l’Honneur, de Fierté de voir la réussite de tous leurs enfants, Un grand Merci à eux, pour ce que nous sommes devenus aujourd’hui.
Finalement avec le recul, certains finissent par penser que c’est une bonne chose d’avoir quitté notre Afrique, quel Avenir aurions nous eu là-bas, pour nous, pour nos enfants ?.
Subitement j’ouvre mes yeux, les larmes viennent naturellement et coulent tout doucement le long de mon visage ,que je tente discrètement ,et timidement d’effacer.
Nous avons entre-temps j’en suis sûr, traversé, retraversé maintes et maintes fois la Mer Méditerranée, par avion, par bateaux en partance de Paris, Lyon, Marseille, Sete , Port-Vendres, pour arriver à Oran, Alger, Constantine ,Tlemcen.
Certain réellement, d’autre fictivement ou dans leur rêve, pour certain le désir d’y retourner reste très fort encore aujourd’hui, mais le souhait de conserver leur souvenir intact ,l’emporte,..
Mais jusqu’à quand….?.
Des Années, et des Années se sont écoulées depuis1962…
C’est un autre Monde ……de nouveaux Paysages, de nouveaux Horizons, de nouveaux Parfums, une autre Vie qui s’ouvre à nous .
Une autre Histoire qui commence !! Qui recommence.
Faut-il Tourner la page … Regarder devant…., se Retourner … Oublier,…se Taire …
Remuer le couteau dans la plaie qui pour certain est si profonde et dont la cicatrisation fait si mal .
…..se Souvenir…..Ecrire …Raconter …Transmettre…Ecouter… Comprendre … Pardonner … Oui Pardonner..?
Nos historiens mais que font-ils ?..Les Médias… La Presse …..Mais je ne peux leur en vouloir aujourd’hui. !
Ne nous sommes pas tus nous-mêmes, pendant quarante cinq ans ?
Heureusement maintenant, avec l’apport d’internet, nos Coeurs commencent Enfin.. à s’ouvrir.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Ce soir j’ai posé ma plume, et laisser parler mon Cœur.
Pardon !!!! Une petite larme….
Le 04.10.2008 Julio.
TEMOIGNAGE D’UNE RAPATRIEE
Je tiens à préciser qu’au moment où les événements d’Algérie ont débutés, les communautés européennes et musulmanes de notre secteur vivaient en bonne entente. Le racisme était inexistant dans notre quotidien. Nous vivions en parfaite accord du moins le pensait t’on. J’ai travaillé de longues années avec des collègues algériens et mes enfants avaient tout naturellement des camarades algériens , sans que cela pose l’ombre d’un problème.
Le 1er novembre 1957 des événements d’insurrection ont débutés en Algérie et plus particulièrement dans les AURES . Des attentats avaient été commis d’abord dans les djebels pour peu à peu se propageaient vers les fermes, les villages et les villes. La situation commençait à devenir « critique » sur tout le territoire.
Nous savions naturellement que des attentats étaient proférés un peu partout dans le pays mais tout cela paraissait encore bien abstrait . Nous n’étions pas alors au cœur des événements….
Très vite l’inquiétude se fit grandissante parmi la population. Nous vivions tous très mal cette situation d’insécurité. Le malaise était palpable…
Puis des attentats se sont rapprochés, pour arriver jusqu’à nos portes.
Des fermes étaient brûlées, des familles égorgées, le couvre feu instauré..… La tension devenait insoutenable. La peur faisait partie de notre quotidien.
J’étais à l’époque en service à la Sous Préfecture du Télagh (ancienne commune mixte) qui administrait 16 communes de plein exercice et 15 douars.
La commune mixte a été érigée en Sous Préfecture en 1958.
Nous avions, en Sous Préfecture, un service radio ce qui nous permettait d’avoir des nouvelles au quotidien. Nous étions de ce fait parfaitement au courant de l’avancée des événements et surtout de leur ampleur.
La situation devenait de plus en plus critique au fil des jours. Des rumeurs circulaient au sujet d’un éventuel arrêt des événements. !
Il y eu alors la signature des « accords d’Evian » le 19 mars 1962 . Mais hélas le massacre était loin d’être terminé. Après ce 19 mars de nombreux attentats ont continué d’être perpétrés. Les morts de part et d’autre étaient légion.
Le 15 mai 1962 le Sous Préfet algérien du Telagh qui revenait d’une mission à Tiaret a été assassiné. Mon époux ainsi qu’un adjudant de gendarmerie qui faisait partie de l’escorte sont morts ce jour là dans l’embuscade. Des innocents, victimes de balles aveugles comme tant d’autres… Mon mari avait 43 ans, les autres à peine plus.
Ce jour là pour nous le glas a sonné ………….. !
Après cet attentat, la situation est devenue extrêmement tendue de part et d’autre au sein de la commune. Les européens ont alors commencé à déserter les lieux, abandonnant tous leurs biens avec au cœur, le secret espoir de revenir …. mais pour l’heure il n’était question que de sauver sa peau .
En quelques jours il n’y eu plus ni femmes ni enfants dans le village.
Le 12 juin 1962 au petit matin, mes 3 enfants en compagnie de ma mère ont quittés la maison sous escorte militaire pour rejoindre Oran … « destination Marseille ». Ils allaient rejoindre, notre famille qui se trouvait déjà dans l’Est de la France. Une chance que n’avait que peu de rapatriés en partance.
Nous, dans notre malheur nous avions cette chance là. On nous attendait là bas de l’autre côté de la mer..…….
Après l’assassinat du Sous Préfet, l’armée s’est installée à la Sous Préfecture avec pour mission l’expédition des affaires courantes et en particulier l’établissement des CNI, un laisser passer indispensables aux Français désireux de quitter l’Algérie. C’est dire que le travail ne manquait pas…
Je suis restée en service jusqu’au 25 juin 1962. Mes collègues avaient tous quitté bien avant moi leur poste, l’indépendance devant intervenir le 1er juillet 1962…
Le 27 juin 1962 j’ai quitté l’Algérie … destination la France.
Arrivée à Marignane je n’ai eu qu’une hâte, retrouver ma famille dans l’Est de la France, et qu’un souhait, reconstruire pour eux une nouvelle vie.
« Ce 27 juin 1962 au petit matin en quittant sous escorte militaire Le Telagh , j’ai dit adieu pour toujours à ma chère Algérie ainsi qu’à tous nos morts restés là bas…. »
Martinez-ALONZO Maria Hermina.
Née le 26/01/1920.
Le 25.11.2008
TOUS MES, NOS, REMERCIEMENTS A JULES POUR CE RECUEIL DE SOUVENIRS.
Avec le Concours de :
Colette Teulet née Garcia– Louis Amouriq – Jules Segura.
Norbert Tognet– Herminie Alonzo–